Dans un document de trente-cinq pages, le président des Etats-Unis s'entête à aller jusqu'au bout de son entreprise irakienne alors que l'opinion publique ne cesse de lui afficher son opposition. George Bush persiste et signe dans sa politique irakienne en dépit de la réalité du terrain qui soulève la colère de ses opposants. Cherchant désespérément à donner un souffle nouveau à son initiative, le patron de la Maison-Blanche n'arrive toujours pas à regagner la confiance des Américains, comme l'indiquent les résultats des sondages. En effet, stagnant aux alentours de quarante pour cent d'opinions favorables, le taux le plus bas depuis son investiture en janvier 2001, Bush verse encore dans la redite. C'est du moins l'avis du quotidien New York Times qui estime que “le président est complètement déconnecté de l'opinion publique (...). Les propos de Bush étaient presque entièrement une répétition des mêmes arguments éculés consistant à dire que tout va simplement bien”. Idem pour le Los Angeles Times, qui va jusqu'à accuser l'Administration Bush d'avoir soudoyé des médias irakiens. Selon ce journal, les reportages favorables aux Américains publiés ces derniers temps par la presse irakienne sont l'œuvre de militaires des forces de la coalition. L'annonce de la mort de 14 soldats américains en quarante-huit heures, portant à 2 125 décès parmi les troupes américaines stationnées en Irak, n'arrange guère la situation pour George Bush. Il suffit de consulter les résultats du sondage Gallup/CNN/USA Today, publié jeudi au lendemain de son discours devant l'Académie de marine d'Annapolis dans le Maryland, pour s'en convaincre. Ainsi, l'on constate que 55% des personnes interrogées estiment que Bush n'a pas de plan de victoire en Irak alors que 54% ont qualifié de mauvaise la gestion américaine, 44% l'ont jugée bonne. Quant à la possibilité de voir les nouvelles forces irakiennes prendre la sécurité en charge, 54% jugent cette possibilité improbable. Dans cette optique, 63% affirment que les Irakiens ne parviendraient pas à empêcher que leur territoire serve de vivier à la violence tandis que 33% jugent qu'ils y parviendraient. Les conclusions négatives des sondages sont confirmées par le rapport réalisé par deux analystes du Washington Institute for Near East Policy qui estime également que l'Irak est à une période décisive qui durera entre six et neuf mois. “Bien que des milliers d'insurgés aient été tués et que des dizaines de milliers d'Irakiens aient été détenus (...) les informations sur les incidents et les pertes renforcent le sentiment que l'insurrection n'a jamais été aussi robuste et meurtrière”, écrivent MM. White et Eisenstadt, les rédacteurs du document. Ces derniers mettent l'accent sur le fait que l'insurrection, qui n'a jusque-là réussi à exploiter qu'une fraction de la minorité sunnite mécontente, “pourrait fortement accroître ses capacités militaires” si jamais elle “réussit à utiliser ce potentiel inexploité”. Des responsables américains cités dans ce rapport estiment à 20 000 le nombre d'insurgés sunnites, dont 3 500 combattants actifs. Leurs partisans dans la population sunnite pourraient atteindre 100 000 personnes, a précisé M. White. Il est clair que cela contraste avec le discours de George Bush faisant état de résultats positifs pour l'armée américaine en Irak. K. ABDELKAMEL