Un conflit sur quatre en Afrique est dû à la dégradation des sols. Les images choquantes d'émigrants venus de plusieurs pays subsahariens interceptés aux frontières hispano-marocaines sont encore présentes dans les esprits marqués par ce drame humain La cause n'est autre que fuir un quotidien intenable généré par une extrême paupérisation, conséquence du phénomène de désertification longtemps cantonnée dans le statut restrictif de la question écologique. Aujourd'hui, la problématique est posée dans toute sa dimension en termes de développement durable que le monde occidental tente de résoudre à travers une approche globale. Un sursaut quelque peu tardif amorcé par une prise de conscience sans nul doute liée à ce flux migratoire qui touche de plein fouet les pays européens ainsi que les Etats-Unis qui connaissent chaque jour l'arrivée, légale ou illégale, de 2 000 Mexicains, comme précisé par Hama Arba Diallo, secrétaire exécutif de la Convention de lutte contre la désertification au niveau de l'ONU, présent hier en Algérie aux côtés de Rajeb Boulharouf, coordonnateur chargé des relations publiques et de l'information au niveau de la même instance. Celui-ci a indiqué, quant à lui, que “60 millions d'Africains émigreront vers le Nord d'ici vingt ans”, selon une estimation de l'ONU, et d'ajouter qu'“un conflit sur quatre en Afrique est lié à la terre et à la dégradation des sols”. Des données sidérantes et inquiétantes à la fois dans la mesure où la tendance mondiale pour l'émigration sélective est désormais affichée par la majorité des pays hôtes. C'est pourtant la manière dont ils ont mené leur industrialisation qui est à l'origine de cette situation de perturbation climatique désastreuse et la fuite des populations… vers des cieux plus cléments. Ce ne serait qu'un juste retour des choses que ces mêmes pays œuvrent pour l'amélioration du cadre de vie des populations dans ces régions fragilisées et les aider à se fixer dans leurs propres pays. Ceci résoudra de facto cette émigration forcée ou du moins l'atténuera de façon sensible. C'est justement toutes ces questions qui seront abordées durant toute l'année en cours, décrétée par l'ONU “Année des déserts et de la désertification” pour laquelle Cherif Rahmani, ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement et également président de la Fondation Déserts du monde, a été désigné par Kofi Annan SG des Nations unies ambassadeur de l'ONU et son porte-parole honoraire pour l'Année des déserts et de la désertification. Durant la conférence de presse organisée hier à l'hôtel El-Aurassi pour annoncer le programme de l'année, le ministre a également présenté M.Youba Sokono, secrétaire exécutif de l'Observatoire du Sahara et du Sahel qui a plaidé pour une démarche globale basée sur le long terme. La désertification désigne, selon la convention de l'ONU entrée en vigueur le 26 décembre 1996, “la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines”. Un état de fait qui n'est pas sans conséquences sur certaines régions plus que d'autres. En Afrique, un peu plus d'un milliard d'hectares sont modérément ou gravement touchés par la désertification. Toutes les régions du monde sont, cependant, concernées par le phénomène avec 110 pays recensés comme zones exposées à l'aridité et à la dégradation des sols. Du point de vue économique, la désertification entraîne une perte annuelle de 42 milliards de dollars américains. Les coûts indirects sont encore plus considérables. L'Afrique à elle seule perdait 9 milliards de dollars an, l'Asie 21 milliards de dollars, l'Amérique du Sud 3 milliards, l'Amérique du Nord 5 milliards, l'Australie 3 milliards et l'Europe 1 milliard. NABILA SAIDOUN