Le 8 février 1958, un samedi, jour de marché, la petite ville tunisienne de Sakiet Sidi Youcef, située en bordure de la frontière avec l'Algérie, subissait un raid éclair de l'aviation coloniale. Six avions de type bombardier avaient traversé, sans crier gare, l'espace aérien tunisien pour larguer leur cargaison destructrice sur de paisibles citoyens, notamment des femmes, des enfants et des personnes âgées. Le bilan est lourd : 79 morts et une centaine de blessés sont dégagés des décombres des maisons, des locaux administratifs et de l'unique école de la minuscule localité que les engins de mort avaient littéralement soufflés. Parmi les victimes, de nombreux réfugiés algériens et même des délégués de la Ligue internationale de la Croix-Rouge. Selon des témoignages recueillis auprès de ces derniers au lendemain de cette agression barbare (Le Monde du 10.02.1958), l'aviation française avait frappé pour tuer, pour écraser. Les autorités qui avaient ordonné ce raid contre des civils désarmés sur le sol d'un pays indépendant s'étaient, on s'en souvient, prévalu d'un droit de poursuite contre les maquisards algériens qui avaient établi leurs bases arrières à Sakiet et Ghardimaou. Il s'agissait, en fait, d'une escalade dont la suite allait aboutir, au contraire, à un renforcement des rapports entre les peuples algérien et tunisien, désormais unis pour l'éternité par les liens du sang. Aujourd'hui, 48 ans après ces tragiques évènements, Algériens et Tunisiens se rencontrent encore pour se recueillir au pied du monument aux morts qui domine la petite ville de Sakiet Sidi Youcef, en hommage aux victimes de l'absurdité coloniale et, surtout, pour sceller le sort commun des deux nations par le ciment de la fraternité et de la solidarité agissante. A. ALLIA