Apparemment, les jours de Jaâfari, l'ex-Premier ministre irakien, qui voulait rempiler contre vents et marées, sont comptés. Le président temporaire du Parlement irakien élu le 15 décembre dernier, Adnane Pachachi, a indiqué convoquer dans les prochains jours la réunion des députés en vue d'élire un conseil de de la présidence et de désigner un Premier ministre. “Le peuple attend cette réunion avec impatience”, devait marteler ce sunnite, doyen d'âge du Parlement et figure de proue de l'opposition au régime de Saddam Hussein, disant espérer après cette réunion la formation tant attendue par tous, à commencer par Bush pressé de restituer les clefs de Bagdad aux Irakiens pour ne pas essuyer de débâcles. Jaâfari, qui a conduit le processus de normalisation devant asseoir l'Irak post Saddam, s'est vu contesté d'abord par les sunnites, puis par les Kurdes et, enfin, dans son propre camps chiite. Les leaders chiites, qui ont le plus important bloc au Parlement avec 128 députés, se sont résolus à rejoindre les sunnites et les Kurdes, après une réunion houleuse dimanche. Le principal bloc sunnite au Parlement irakien s'est montré ferme dans son opposition à la candidature de Jaâfari, ainsi que les Kurdes, qui ont menacé de ne pas participer dans un gouvernement dirigé par l'ancien Premier ministre. Les chiites du Front irakien de la concorde ont eux aussi informé l'Alliance irakienne unifiée (AIU), la coalition chiite arrivée en tête des élections législatives de décembre, ne pas faire partie d'une équipe dirigée par le contesté Jaâfari. L'AIU s'en est remis du grand Ayatollah Ali Sistani, chef spirituel du chiisme irakien, qui n'a manifesté aucune sollicitude à l'égard de Jaâfari mais a estimé urgent de sortir de la crise. Les sponsors de Jaâfari se sont retrouvés minoritaires face au camp qui s'est joint aux sunnites et aux Kurdes et pour qui il s'agit maintenant de lui trouver un remplaçant consensuel et capable de diriger un gouvernement d'union national. L'AIU est contrainte de lâcher du lest car plus la crise s'aggrave, plus elle risque d'imploser. Le Premier ministre intérimaire sortant est, en effet, considéré comme responsable de l'aggravation des tensions sunnites-chiites qui ensanglantent le pays, désormais à deux doigts d'une guerre civile ouverte. Fin février déjà, sa désignation à sa propre succession en qualité de patron du parti islamique Daâwa avait donné lieu à d'ardues tractations entre les 7 factions de l'AIU et il n'avait décroché sa nomination qu'avec une seule voix d'avance. En outre, la pression américano-britannique, même si elle en a mécontenté plus d'un, notamment le bouillonnant imam extrémiste Moqtada Sadr, plus fervent partisan de Jaâfari et patron de la redoutable milice de l'Armée du Mahdi, n'est pas sans conséquences. S'impatientant, car plus l'Irak peine à se doter d'un gouvernement, plus la perspective d'un retrait des troupes s'éloigne, Washington et Londres ont fait pression pour accélérer le mouvement, via une visite surprise à Bagdad de leurs chefs de la diplomatie la semaine dernière. L'AIU souhaite voir remplacer son candidat par le vice-président Adil Abdul-Mahdi, du Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (CSRII, principal parti du pays), rival malheureux de Jaâfari à l'époque du vote de février dernier. D. Bouatta