Le président américain, qui refuse toujours de parler de guerre civile en Irak, entamait, hier à Amman (Jordanie), une visite axée sur la recherche, avec le Premier ministre irakien, d'une stratégie pour contrer l'explosion de violence dans ce pays. La Palestine et le Liban sont également au centre des entretiens de Bush. Bush, qui devait rencontrer à son arrivée le roi Abdallah II, retrouve aujourd'hui le Premier ministre irakien pour un long entretien. Afin de préparer ce tête-à-tête, le roi de Jordanie avait multiplié les contacts avec des responsables irakiens sunnites et chiites, alors que l'hypothèse d'une vraie guerre civile est désormais évoquée de plus en plus ouvertement en Irak et à l'étranger. Bush a refusé, mardi dernier devant le sommet de l'Otan à Riga (Estonie), cette vision à propos de l'Irak et d'envisager un retrait des troupes américaines. Il aurait la bénédiction de pays arabes ! “Plusieurs pays arabes, dont la Jordanie, craignent un retrait prématuré des troupes américaines, avant la mise en place de vraies institutions capables de gérer la politique et la sécurité du pays”, a déclaré, la veille de l'arrivée de Bush à Amman, un haut responsable jordanien, apportant la caution de son pays et d'autres pays arabes, dont il n'a pas cité les noms, à la décision de Washington de rester sur place, quoique cela lui en coûte. Abdallah II a exhorté Bush à ouvrir un dialogue avec les sunnites irakiens, boudés par l'administration américaine, lui précisant que le danger de guerres civiles dans les territoires palestiniens et au Liban est encore plus imminent qu'en Irak. En raison, a expliqué ce haut responsable jordanien, de la politique expansionniste et d'ingérence de l'Iran qui aurait une influence grandissante dans ces deux pays. En Palestine, grâce à son alliance avec le mouvement islamiste palestinien Hamas, ce qui paralyse l'action du président modéré de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. De même pour le Liban, où le soutien iranien au Hezbollah et l'alliance avec Damas paralyseraient l'action du gouvernement pro-occidental dirigé par l'anti-syrien Fouad Siniora. Malgré les conseils de James Baker, patron du département d'Etat, lorsque la Maison Blanche était occupée par son père, malgré son affaiblissement après la déconfiture, le 7 novembre dernier, des républicains au Congrès, Bush assure qu'il mènerait jusqu'à la victoire ses entreprises, sous couvert de guerre contre le terrorisme. Le départ du secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, l'un des artisans de l'intervention américaine de 2003 en Irak, et la montée en puissance des appels à un retrait des troupes américaines avaient donné à penser qu'une inflexion était en gestation. “Il y a une chose que je ne vais pas faire, je ne vais pas retirer nos troupes du champ de bataille avant que la mission soit accomplie”, ne cesse de marteler Bush, avec même ses accents messianiques qui rappellent son fameux discours sur “l'axe du mal” de 2003, annonciateur de la guerre en Irak. Peut-on abandonner une région entière à la domination du terrorisme, interpelle Bush la conscience du monde affirmant que c'est “une lutte idéologique décisive du XXIe siècle”, et dans cette lutte les Etats-Unis ne pourrons accepter rien moins que la victoire. Les alliés des Etats-Unis ne désespèrent pas et attendent les recommandations pour stabiliser l'Irak du groupe d'études, codirigé par James Baker et le démocrate Lee Hamilton, qui devraient être connues avant le 4 décembre. Le sénat américain devrait présenter une feuille de route sur le retrait graduel des effectifs militaires américains et l'organisation d'une conférence internationale associant l'Iran et la Syrie. Bush devra donc croiser le fer avec son Congrès. Le doute ne l'effleure pas sur sa méthode pour faire émerger la démocratie au Moyen-Orient, une facture de plus de 600 000 morts en Irak et de tous les dommages collatéraux dans la région. D. Bouatta