Abdelmadjid Tebboune, ancien ministre de l'Habitat entre 2001 et 2002, a affirmé, contrairement à ce que le tribunal a essayé de démontrer, que les OPGI jouissaient, selon la loi, d'une autonomie de gestion et de décision qui ne permettait pas à la tutelle d'intervenir concernant les dépôts. Pour le ministre, les placements auprès de KB ont commencé avant son arrivée et se sont poursuivis par la suite. Appelé à témoigner sur les dépôts effectués par les OPGI, Abdelmadjid Tebboune aura plutôt à s'expliquer sur la tutelle qu'il avait sur les OPGI et les “orientations” qu'il leur a données à l'occasion d'une réunion avec leurs directeurs. L'ancien ministre affirmera devant le tribunal qu'il ne pouvait “interférer” dans la gestion des OPGI, celles-ci étant de par la loi autonomes. Il s'agissait pour lui de “structures indépendantes”. Les offices n'avaient pas besoin de l'autorisation préalable de la tutelle avant ces dépôts. “ça s'est passé 4 mois avant mon arrivée. Les OPGI n'avaient nullement besoin d'autorisation”, dira-t-il face aux questions persistantes de la présidente. Elle l'interrogera alors sur une déclaration qu'il aurait eu durant une réunion fin 2001 avec les DG de ces structures et durant laquelle il les aurait appelés à “fructifier” leur argent. Abdelmadjid Tebboune affirmera que durant cette réunion, il a donné les “grandes orientations”. “Non j'ai dit investissez votre argent. Quel est le bénéfice à déposer l'argent dans une banque ? Ils se comportaient comme des retraités à attendre les intérêts des placements. Nous voulions de l'investissement, de la création d'emploi, de richesse nationale et de développement”, précisera-t-il. Il réfutera les déclarations des DG des OPGI, ces derniers avaient affirmé qu'il leur avait demandé de fructifier leurs fonds. Il niera des “injonctions” de la tutelle en ce sens, affirmant que le PV de réunion et les coupures de presse de l'époque font état de demande d'investissements. “Ces réunions sont enregistrées, vous avez les prérogatives et la facilité pour les trouver.” Interrogé sur les dépôts, il affirmera ne pas avoir été au courant. Une direction s'occupait des bilans mensuels, trimestriels et annuels des OPGI. Elle ne lui communique, selon lui, que les cas constatés d'irrégularité ou de problèmes graves. “De toute façon, que les OPGI placent leurs fonds ou pas ne concerne pas le ministère. Le décret est clair, ils ont une autonomie de gestion. Et j'ai travaillé avec ce texte en tant que ministre. Il avait été fait pour réduire la centralisation.” Interrogé par le tribunal sur un quelconque intérêt de la tutelle pour la situation financière d'El Khalifa Bank, Abdelmadjid Tebboune dira que cela “ne relève pas de ses prérogatives mais plutôt d'autres institutions”. “Le problème de Khalifa n'a commencé à apparaître en Algérie que fin 2002 début 2003. Cela ne relève pas du ministre de l'Habitat mais d'autres institutions et ministères.” L'ancien ministre de l'Habitat affirmera que le secteur comptait, à son époque, environ 250 milliards de DA gelés dans des banques, dont 28 milliards de DA appartenant aux OPGI. Il dira que les documents “prouvent” que les OPGI ont commencé à placer leurs fonds à KB depuis 1999. Ses déclarations provoqueront une réaction immédiate de la présidente qui relèvera qu'en 1999, seuls trois OPGI avaient effectué des dépôts, qu'en 2000 quinze leur ont emboîté le pas, et qu'entre 2001 et 2002, 42 OPGI ont déposé leurs fonds à KB. “Avant mon arrivée, il y avait 23 OPGI totalisant 10,7 milliards de DA de dépôts. Les missions du ministre sont d'appliquer la politique de l'Etat et non de suivre les dépôts. Moi je ne peux pas donner autre chose que des orientations”, affirmera Abdelmadjid Tebboune à une question relative à une “injonction”. Il infirmera avoir été mis au courant pour les commissions qu'auraient touchées les responsables des OPGI en contrepartie de ces placements. Interrogé sur sa relation avec RAK, l'ancien ministre a dit l'avoir connu lorsqu'il était aux Collectivités locales et qu'il l'a rencontré à quelques reprises précisant qu'il n'était “pas son ami intime” et que cette question n'avait “aucun rapport”. Le tribunal a également auditionné le président de la JSK, Mohand-Chérif Hannachi, en qualité de témoin, pour avoir signé une convention de sponsoring, en 2001, au profit de son club de football avec KB. Le président de la JSK affirmera que RAK est intervenu pour régler un différend l'opposant au président d'un autre club, l'USMA. “C'est là que je l'ai rencontré. Il sponsorisait le NAHD et l'USMA, il m'a proposé, j'ai accepté.” Un contrat de sponsoring a été signé stipulant que KB prenait en charge, à travers cette convention, les salaires des joueurs de la JSK à raison de 40 000 DA par mois, ceux des entraîneurs et du staff. Une saison avoisinait, dira-t-il, 3 milliards. Après le rachat d'Antinéa par Khalifa, la convention liant Antinéa à la JSK d'un montant de 8 millions de DA a été assurée par la banque. Interrogé sur d'autres avantages, Mohand-Chérif Hannachi dira : “Lorsque nous avons gagné la Coupe d'Afrique, il nous a récompensés.” Il s'agit de 25 voitures, des Peugeot 307 HDI, pour un montant de 28 millions de DA, offertes par RAK. RAK aurait appelé, selon lui, le directeur de l'agence KB de Tizi Ouzou pour mettre à sa disposition l'argent. “C'est Moumen qui m'a envoyé.” Quant à la régularité de la chose, il répondra à la présidente du tribunal que “toute l'Algérie marche comme ça. Aujourd'hui, si le ministre de la Justice veut sponsoriser la JSK, je signe avec lui”. Ce qui provoquera la colère de la présidente, celle-ci se lançant dans un laïus sur “la légalité de l'opération”. “Ce n'est pas l'Algérie, la banque ne se respectait pas, et ne respectait pas les procédures”, dira-t-elle. Il confirmera sa présence pour la cérémonie de signature du contrat de sponsoring de l'OM, aux côtés de Lakhdar Belloumi et d'Ighil Meziane et d'une cinquantaine de journalistes. Il confirmera également ce que d'autres avaient affirmé avant lui. À savoir que le directeur de la communication du groupe Khalifa, Rachid Hassas, a remis des enveloppes contenant des devises aux présents, juste après le petit-déjeuner, ajoutant avoir refusé de prendre celle qui lui a été réservée et présentée par son “ami” Tahar Mekadem. “En ma qualité de président de la JSK, je ne pouvais accepter, je devais faire honneur à mon club.” La journée a été consacrée par la suite à l‘audition des derniers inculpés en correctionnelle, accusés d'abus de confiance. Anciens cadres de Khalifa, ils n'auraient pas restitué, selon le tribunal et le parquet, les voitures ou les portables mis à leur disposition par les différentes directions du groupe Khalifa. Tout le matériel a été rendu à la liquidation de KB par ceux à qui il avait été affecté. Si certains ont affirmé les avoir gardés en attendant d'être payés, d'autres ont affirmé que dans le contexte de l'époque 2003, 2004, ils ne savaient pas à qui remettre spécifiquement les voitures, ils ont continué à les assurer de peur que quoi que ce soit leur arrive. Le tribunal a également entendu Samira Bensaouda qui dirigeait Khalifa TV à Alger. Elle affirmera qu'elle a intégré KTV sur “demande de la ministre de la Culture, Khalida Toumi” alors qu'elle était directrice centrale au ministère de la Culture et de la Communication. “Elle m'a demandé de contacter Mme Djazaourli avec qui elle était en contact concernant l'agrément de la télévision. Je l'ai rencontrée en présence de Nadjia Bouzegrane et d'une autre personne, nous avons parlé de l'amélioration de l'image de l'Algérie.” À la présidente qui l'interrogeait sur le fait qu'elle ait été un cadre d'une structure publique et de Khalifa secteur privé, elle expliquera que “le bureau avait été agréé par la ministre de la Culture, j'ai rédigé un rapport à l'attention de la ministre sur les moyens et équipements. Mme Djazaourli m'a demandé de lui conseiller le nom d'un journaliste pour diriger le bureau d'Alger, j'avais proposé Soraya Bouamama, mais Mme la ministre m'a proposé de diriger le bureau et m'a certifié que mon parcours professionnel serait protégé, et c'est vrai personne n'a occupé mon poste”. Au début, dira-t-elle, “c'était une initiative d'Etat”. Elle dira avoir travaillé pendant trois mois tout en étant payé par le ministère de la Culture. “J'étais en mission, le salaire ne me concernait pas.” Elle n'aura pas bénéficié d'avantages, mis à part un véhicule de fonction. “Il y avait des dizaines de voitures dans le parc de KTV. J'en avais une, une polo, la plus vieille… Mme la présidente vous ne voulez pas qu'on évoque des choses politiques”, dira Samira Bensaouda. Ce qui provoquera la colère de la magistrate. Elle dira avoir par la suite démissionné du ministère. Epoque où un journaliste a été désigné par RAK pour diriger le bureau. “J'ai veillé sur le matériel.” Au tribunal qui l'interrogeait sur ses postes au ministère et à Khalifa Télévision, elle dira : “Posez ces questions à la ministre Khalida Toumi, elle était ministre et le ministère était au courant… Est-ce que vous voulez que je rentre dans les détails ?” La présidente appellera alors Djamel Guelimi qui affirmera que Mme Bensaouda avait été désignée comme directrice de Khalifa Télévision en Algérie, qu'elle dirigeait les journalistes Soraya Bouamama et Mounir Boudjema à KNews et KTV. Djamel Guelimi avait lui-même intercédé auprès de “Moumen” pour octroyer un salaire à la responsable de KTV, fixé alors à 200 000 DA. Une altercation opposera la présidente du tribunal à Samira Bensaouda. Celle-ci réitérera que le salaire ne l'intéressait pas, qu'elle dirigeait 80 journalistes et n'était animée que par “l'amour du pays”. Me Berghel demandera la convocation de Khalida Toumi, refusée par le tribunal au motif que la ministre n'est pas citée par l'arrêt de renvoi. Samar Smati