Le brut de Mossoul, Kirkouk et Bassorah est devenu source de multiples enjeux. Sur initiative de la France et de l'Allemagne, le Conseil de sécurité de l'Onu a approuvé, vendredi dernier, à l'unanimité, la reprise du programme “pétrole contre nourriture”. De crainte d'une catastrophe humanitaire en Irak, conséquence directe de la guerre, les pays membres du Conseil ont répondu favorablement à la demande franco-allemande. Les Etats-Unis qui bloquaient la requête ont finalement accepté la reprise du mécanisme qui avait été suspendu le 18 mars dernier, à la veille du déclenchement du conflit irakien. Vraisemblablement, ce sont les nouvelles tragiques de la situation des populations civiles de Bassorah et d'Oum Qasr, en proie au manque manifeste d'eau et de vivres qui ont fini par lever le refus américain. La réponse onusienne équivaut à cette expression : “Min lehyatou bekherlou”. Traduire : c'est essentiellement avec l'argent du pétrole irakien que les pays de la coalition vont tenter d'éviter une catastrophe humanitaire née de leur décision de passer outre la voie diplomatique pour régler le différend. Comme l'Irak n'exporte plus de pétrole depuis le déclenchement de la guerre, les Nations unies vont vraisemblablement puiser dans la cagnotte inutilisée estimée à 30 milliards d'euros tirée des ventes de brut irakien accumulée avant le début des hostilités. Qui gérera le programme ? La résolution attribue à Kofi Annan, le secrétaire général de l'Onu, le “pouvoir d'arrêter pendant 45 jours, éventuellement renouvelables, les décisions nécessaires pour que le programme puisse être adapté à la situation sur place”. A noter que ce mécanisme “pétrole contre nourriture” sous la houlette de l'ONU assure la subsistance à 60% de la population irakienne. Comment s'effectuera la distribution des vivres ? Les deux belligérants veulent jouer la carte humanitaire. La neutralité des Nations unies dans ce conflit pourrait faciliter l'acheminement des vivres et des médicaments à la population irakienne. Mais, encore faut-il sécuriser les zones de transit. Au demeurant, il convient d'ôter rapidement aux militaires US et britanniques le soin de distribuer vivres et médicaments à la population irakienne, pour deux raisons simples. Primo : ils ont déjà montré leurs maladresses dans ce domaine. Les militaires ne sont pas qualifiés pour assurer ce rôle. Secundo : en tant que belligérants, ils seront enclins à utiliser cette carte à des fins de stratégie militaire pour atteindre leur objectif de “décapiter” le régime irakien. En tout état de cause, le pétrole irakien est devenu source de multiples enjeux. Pour Washington, il entend servir également à la reconstruction, avant d'être placé définitivement sous son contrôle. Tel est le scénario esquissé par la Maison-Blanche. Qui, en somme, ne tient pas du tout compte de la volonté et des intérêts du peuple irakien. N. R.