Pour le président du FCE, les conditions pour concrétiser une telle démarche ne sont pas encore réunies dans notre pays. “Les conditions pour concrétiser une telle opération ne sont pas encore réunies. La situation actuelle est marquée par un développement non contrôlé, un mode gestion anarchique, une corruption généralisée, manque de transparence, fraude fiscale, insuffisance dans le fonctionnement des institutions de l'Etat, bloquant ainsi les investissements…” Intervenant au cours de la conférence sur la gouvernance d'entreprise, le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), M. Réda Hamiani, dresse un bilan peu reluisant et une situation inappropriée pour l'ancrage de l'idée de la gouvernance d'entreprise en Algérie. En plus, soulignera-t-il, le fondateur de l'entreprise notamment familiale ou son actionnaire initial est contre toute ouverture de capital ou d'une introduction en Bourse. Le propriétaire principal écarte de ce fait toute idée de recourir à une expertise sur les nouvelles techniques de management dans un contexte de mondialisation et d'ouverture du marché. Le même constat, mais en des termes différents, a été également établi par M. Abdelatif Benachenhou, conseiller économique d'Etat. L'ex-ministre estime que le secteur privé algérien reste encore de petite taille. Pour lui, la première entreprise privée algérienne est classée, en termes de chiffre d'affaires, 197e parmi les 200 sociétés françaises. Pis, le conseiller économique indiquera qu'avec le bénéfice qu'elle a réalisé durant la seule année 2006, une banque, classée au deuxième rang en Europe, peut racheter à la fois 50 entreprises algériennes ! C'est dire que de par son chiffre d'affaires, ses bénéfices, sa taille…, le privé algérien est sur la “rampe du lancement et il n'est pas encore lancé”, relèvera le professeur en économie. M. Benachenhou soulignera que les “stratégies, les niveaux d'organisation et de gestion sont encore insuffisants avec les quelques efforts consentis par certaines entreprises pour mieux se connaître en vue d'une réorganisation pour le développement”. Pour lui, il ne peut exister de gouvernance d'entreprise sans la gouvernance d'Etat. M. Benachenhou : “Le privé algérien n'est pas encore lancé” Il a soulevé la problématique de la méfiance vis-à-vis des pouvoirs publics qui, selon lui, a des racines historiques évidentes et des fondements nouveaux à savoir l'inertie de la démocratie, népotisme et discrimination. Dans son intervention au cours de la rencontre, le Pr Benachenhou a mis l'accent sur la nécessité d'établir des évaluations périodiques des politiques publiques surtout des secteurs ouverts. À ce propos, il reconnaîtra que les entrepreneurs font beaucoup d'analyses pertinentes sur la fragilité des politiques publiques sectorielles. Quant aux analyses sur les politiques globales, elles demeurent, affirmera-t-il, moins remarquables. Cette évaluation doit concerner essentiellement, avouera-t-il, la balance, la croissance, le marché, l'intervention des étrangers sur les différentes entreprises… L'ex-ministre indiquera aussi que les méthodes modernes de gestion des ressources humaines sont encore rares. Par ailleurs, les relations banques-entreprises sont encore crispées et les opérateurs se plaignent de la mauvaise qualité de service. Concernant le sujet du jour, M. Benachenhou estime que la question centrale reste posée : comment sortir de la gouvernance familiale sans perdre le pouvoir familial. Interrogé sur l'indispensable mise à niveau préalable de l'administration toutes dimensions confondues, haute, moyenne et petite, il lancera tout de go : “On peut parler de mise à niveau de l'administration avec la pauvreté salariale dans laquelle elle se trouve”, répondra-t-il. La gouvernance d'entreprise était donc au centre des discussions lors de cette conférence organisée, hier, à Alger par la société financière internationale, une institution de la Banque mondiale en collaboration avec le cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care) et le forum des chefs d'entreprise (FCE) avec le soutien du programme Euro-développement PME (EDPME). Il s'agit d'un système par lequel l'entreprise est dirigée et contrôlée par un actionnariat et un manager qui conçoivent une seule stratégie et se dirigent vers une seule et même direction. L'entreprise doit être dotée, dans ce cadre, d'une structure de contrôle et d'audit internes. Elle a à divulguer des informations la concernant, faire valoir les droits des actionnaires… Il faut qu'elle joue le jeu de la transparence. Ce sont ces quelques aspects à même d'attirer les investisseurs étranges ou avoir un meilleur financement interne ou externe. Ce mode de gestion intéressera notamment les entreprises familiales pour qu'elles puissent préparer et assurer une bonne succession à la tête. Elles qui d'habitude n'apprécient pas qu'on s'immisce dans ses affaires ! Cette rencontre va permettre aux différentes parties prenantes d'initier un code d'éthique et de déontologie dans le but d'encourager les entreprises à suivre cette démarche de bonne gouvernance. Avec celle-ci, l'entreprise, toutes tailles confondues, se protégera des différents risques et améliorera sa valeur ajoutée. La SFI, qui travaille dans ce sens depuis plusieurs années directement avec les banques, les secteurs public et privé… dans la région du Moyen-Orient et l'Afrique du nord (Mena). Un code de déontologie en gestation Cette filiale de la BM collabore aussi avec les institutions impliquées dans la formation du manager ainsi qu'avec les médias. La bonne gouvernance des entreprisses a été déjà lancée dans plusieurs pays du Mena. C'est une opportunité pour l'entreprise familiale pour revoir sa gestion d'autant plus que la plupart d'entre elles sont gérées par la première génération de dirigeants. Ces deniers ont tout l'intérêt et les ambitions de voir leurs entreprises grandir. C'est l'occasion pour eux de formaliser les structures, mettre un terme au flou dans la gestion et se lancer dans le développement. LA SFI s'est engagée à assister toutes les PME/PMI qui veulent se doter de ce nouveau mode de gestion. Par ailleurs, ou la charte de déontologie envisagée aura à participer au renforcent de la gouvernance de l'ensemble (celle de tout un pays). Dans ce cas, l'entreprise deviendra un acteur incontournable pour l'Etat. L'entreprise sera gérée ainsi d'une manière saine et deviendra difficile à corrompre. Le code est fondé sur 4 principes dont la responsabilité, le recevabilité, l'équité et la transparence interne et externe. À la suite des scandales qui ont secoué le monde, la gouvernance d'entreprise est devenue une préoccupation centrale des Etats. Le boom des marchés émergents aussi suscite l'intérêt des pays à s'offrir un tel procédé de gestion. L'Afrique du sud, qui a adapté et adopté ce code, est en train de récolter les fruits d'une telle décision. L'Egypte, qui est l'un des pays qui attire plus d'investissements, a mis en place deux codes, l'un pour la Bourse et l'autre pour le monde de l'entreprise. Il existe en tout 13 codes dans 10 pays de la région Mena. Le Maroc et la Tunisie sont en train de les développer. Il faut noter que la bonne gouvernance entreprise contribue à un développement durable par le biais d'un accroissement des performances des sociétés et d'un meilleur accès aux capitaux étrangers. Elle permet aussi de développer le marché de capitaux, réduire les risques et améliorer la capacité d'un pays à contrôler les investissements. Ainsi, les sociétés bien dirigées jouissent d'une meilleure évaluation sur le marché dans le but d'accéder à des financements externes. Badreddine KHRIS