Colmater la brèche pour ne pas laisser la contestation s'y engouffrer. C'est l'exercice auquel s'est livré mardi le Chef du gouvernement en espérant désamorcer la grogne sociale annoncée pour la rentrée. L'urgence pour l'équipe de Abdelaziz Belkhadem : montrer qu'elle ne reste pas les bras croisés. Pour le reste, “rien de nouveau sous le soleil”. Le Chef du gouvernement n'a fait que constater les dégâts et justifier face à l'opinion publique les hausses récentes des prix des produits de large consommation, mais pas seulement, même si M. Abdelaziz Belkhadem réfute le terme “augmentation généralisée des prix”. Ce n'est pas l'avis de l'ONS, le très officiel Office des statistiques qui évoque une augmentation, pendant les six mois, des prix des biens alimentaires, notamment les produits agricoles frais (+4,2%). L'enquête qui a touché 17 villes et villages représentatifs du territoire national révèle l'augmentation également des produits divers (lubrifiants, vaisselle, tarifs de stationnement... avec +2,7%), les produits de santé et d'hygiène corporelle (+2,7%), les meubles et articles d'ameublement (avec +0,7%). Les prix des huiles ont augmenté de plus de 6,8%, les poissons de 11,4%, les boissons +5.8%, le sucre +1.4% et enfin le café et le thé avec une augmentation de plus de 3,2%. L'inflation a, par ailleurs, touché les charges du logement qui ont crû de +0,9% et les charges de l'éducation et de loisirs 1,2%. Tout le monde aura aussi remarqué la flambée des prix des matériaux de construction. L'inflation étant un mouvement persistant à la hausse, au fil du temps, du prix moyen des biens et des services, c'est-à-dire du “coût de la vie”. Le gouvernement devrait regarder de très près ce phénomène au lieu de l'ignorer et agir en conséquence. Certes, les efforts entrepris par le gouvernement sont à saluer, mais il n'en demeure pas moins qu'ils sont insuffisants. Une politique économique devrait être rythmée par deux logiques. Une logique de pompier pour éteindre l'incendie et apporter des correctifs assez immédiats. C'est ce que semble entreprendre le gouvernement à juste titre par le biais de la fiscalité douanière. L'autre logique, et la plus importante, c'est sur les conditions qui ont créé cette situation. Sur ce plan, le Chef du gouvernement n'a pas été rassurant. M. Abdelaziz Belkhadem, chiffres à l'appui, a plutôt montré le paradoxe de l'économie en Algérie. Une économie malade en dépit d'une aisance financière sans précédent. 54,6 milliards de dollars d'exportation en 2006. Les réserves de change couvrent 39 mois d'importation. Une inflation maîtrisée, selon le gouvernement. Une dette extérieure insignifiante. Avec tous ces paramètres, la croissance économique aurait dû connaître des niveaux beaucoup plus élevés. Paradoxalement, elle commence à atterrir doucement. Par ailleurs, la croissance à l'algérienne malheureusement n'accroit pas le bonheur du citoyen algérien. C'est que la croissance actuelle provient essentiellement de l'addition de ressources. C'est un autre type de croissance qu'il faut construire où l'entreprise et l'entrepreneur algériens génèrent de la valeur et de l'emploi durable. La véritable croissance est celle qui crée des biens de substitution à l'importation, capables d'être exportés pour générer de la devise. Il y a de très grandes insuffisances structurelles dans l'économie algérienne. Les hydrocarbures jouent un rôle de voile qui cache son incontestable vulnérabilité et l'amélioration des recettes d'exportation ont un effet pervers : le report répété des indispensables réformes dont a besoin notre économie, alors même que c'est dans le contexte financier actuel que ces réformes ont toutes les chances de réussir. Mais combien de fois a-t-on déjà répété cette banalité ? M. R.