La polémique sur l'évangélisation en Algérie enfle et opère un glissement vers la politique ouvrant une brèche où s'engouffrent toutes sortes de positions radicales. Les réactions des uns et des autres ont fait que les autorités se sont éloignées du débat laissant le terrain à des associations et personnalités poussant les hostilités davantage avec un entretien de la confusion. Catholique, protestant, anglican, conservateur, évangéliste… ancienne terminologie remise au goût du jour pour nourrir un débat biaisé qui risque d'avoir des répercussions néfastes sur le plan politique. Par médias interposés, les flèches des uns et des autres ont envahi les colonnes. Même la tentative de la radio de tempérer l'intensité et la virulence des débats en donnant la parole à tous les acteurs n'a pas réussi à calmer le jeu. Dernière en date, la condamnation par le tribunal d'Oran du père Pierre Wallez, prêtre d'origine française, à un an de prison avec sursis. Réaction immédiate de Mgr Teissier sur les ondes de la radio Vatican pour démentir le chef d'accusation, à savoir célébration d'une messe dans un lieu inconnu. “La chose qui surprend le plus est que la condamnation a été émise parce que le prêtre avait rendu visite à un groupe de chrétiens du Cameroun : il n'avait pas célébré de messe, il avait seulement prié avec eux, le 29 décembre 2007, juste après Noël.” Le prêtre a été arrêté en compagnie d'un médecin algérien à Maghnia où il avait pour habitude de rendre visite aux clandestins qui y ont établi un campement dans l'oued. Ils ont été arrêtés et présentés devant le procureur qui les a mis en liberté provisoire. Selon des informations à Maghnia, le prêtre n'a jamais célébré de messe, mais il avait prié avec les clandestins comme à son habitude, il leur donnait des médicaments. D'où la présence du médecin accusé d'avoir volé les médicaments trouvés en sa possession d'un centre de santé où il exerçait. Ils ont néanmoins été écroués en vertu de la loi interdisant le prosélytisme. Et la polémique n'est pas finie, puisque les tenants du durcissement continuent de réclamer des mesures pour mettre fin à la campagne d'évangélisation. Les propos de Mgr Teissier représentant de l'Eglise catholique ou du père Johnson de l'Eglise protestante n'ont pas réussi à les satisfaire, eux qui demandent des mesures à la limite de l'inquisition. Après les chrétiens, on précisera que ce sont les protestants qui font dans le prosélytisme moyennant pécule et depuis hier, Abderrahmane Chibane, président de l'Association des ulémas et chef de file des conservateurs, a bien précisé que ce sont les protestants anglicans proches des conservateurs nord-américains donc pro-sionistes qui sont derrière cette campagne. La campagne des deux côtés a été excessive alors que les autorités se sont prises en retard pour mettre le holà. D'où les risques de conséquences sur le plan politique. L'on risque alors de passer un mois de mars en zone de turbulences. Et pour cause. C'est au mois de mars que le rapport du département d'Etat américain sur les libertés religieuses dans le monde est publié. Nul doute que l'Algérie sera mise à l'index suite à cette campagne et à la condamnation du père Wallez. Une condamnation pour non-respect de la liberté religieuse pourrait entraîner vers des incidences diplomatiques. La commission des droits de l'Homme de l'ONU pourrait également se saisir de ce dossier avec en avant le décret sanctionnant le prosélytisme qui serait vu comme une entrave à la liberté et surtout aux conventions internationales ratifiées par l'Algérie. Cela au moment où on est difficilement arrivé à clore le dossier des attentats du 11 décembre dernier. Et parallèlement, on voit la montée en puissance des islamistes de tout acabit et les salafistes ultras du courant anti-chrétien, contre la liberté de culte. Paradoxalement, ce sont eux qui ont occupé la scène durant cette campagne que le seul Ghoulamallah n'a pas pu calmer. Ainsi au lieu que le débat reste algéro-algérien, il s'est vite éparpillé, s'est internationalisé au risque de devenir un moyen de pression sur le pays. En gros, c'est une polémique pour rien. Djialli B.