Le Sahel constitue, depuis déjà des décennies une zone de non-droit qui charrie des trafics intenses alimentés par l'immigration clandestine, la drogue, les cigarettes, les matières premières, les produits industriels et même les hydrocarbures, sans parler des véhicules et surtout des armes… Cette ceinture aride, s'étendant de l'Atlantique à la mer Rouge, est qualifiée, volontiers par les Américains, “de ventre mou” de l'Afrique, très difficilement contrôlable en raison de son immensité, plus de 5 millions de km2, et de son relief. C'est peut-être ce qui explique, dit-on, le fait que l'organisation Al-Qaïda de Ben Laden y a jeté son dévolu pour en faire une zone de repli, mais aussi une rampe de lancement d'opérations contre l'Europe. Ceci bien sûr depuis que l'étau commence à se resserrer autour de cette organisation, en Afghanistan, au Pakistan et en Iran. Quatre-vingt mille. C'est le nombre de kalachnikovs en circulation dans la région du Sahel, selon des estimations de spécialistes. Un chiffre qui n'illustre pourtant pas l'ampleur du trafic d'armes au Sahel, selon d'autres spécialistes. Le terrorisme, qui semble avoir installé ses quartiers dans cette zone, peut donc se pourvoir en armes et en hommes, faisant main basse sur les trafics en tous genres, pour se proposer en alternative de populations miséreuses, majoritairement nomades dont une bonne proportion est en insécurité alimentaire chronique. Les jeunes, en connaisseurs du terrain, utilisés par les trafiquants d'armes comme hommes de mains, guides ou transporteurs pour nombreux d'entre eux, auraient été recyclés par certains recruteurs d'Al-Qaïda. Les spécialistes américains relèvent donc un potentiel de violence islamiste qui serait exploité par l'activisme mené par Jamaât El-Tabligh, des fondamentalistes pakistanais et les éléments d'Al-Qaïda qui ont trouvé refuge au Sahel pour installer des bases d'entraînement, n'étant plus en sécurité dans la zone moyen-orientale. Ce qui justifierait, à leur sens, une présence en force de l'Armée américaine. Mais les Etats-Unis sont surtout soupçonnés de vouloir, sous le prétexte de la lutte globale contre le terrorisme, surtout contrôler, les richesses naturelles comme le pétrole, les diamants, l'uranium, le phosphate, l'or de cette partie de l'Afrique boudée par les investisseurs à cause de son instabilité. Les tentatives de contrôle US de la zone se sont matérialisées à travers le projet de l'Africom. L'offre de service américaine sous le prétexte d'aider l'Algérie à anéantir le groupe de la “9e région” du GSPC qui couvre le sud du pays : celui de Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El-Abbès, alias Belouaer s'est heurtée à la sacro-sainte souveraineté du pays, quand il s'est agi de bases militaires au Sud algérien, considéré comme un lieu stratégique pour rayonner sur toute la zone du Sahel. Les éléments de Belmokhtar trouvent refuge au nord du Mali, ayant des contacts notamment en Mauritanie et au Niger. Au Mali, Belmokhtar bénéficierait de l'aide de certaines tribus qui y sont très influentes parmi la population musulmane locale. Ce dernier est, aujourd'hui, connu pour les nombreux trafics, notamment celui des armes et des véhicules tout-terrain. Bien que se réclamant du GSPC, ce groupe porte plutôt l'étiquette du grand banditisme traditionnel que celle du combat prétendument religieux. Drogue, cigarettes, racket et vols ont permis à Belmokhtar d'avoir une assise financière qui lui a valu d'être courtisé par Al-Qaïda. En effet, en 2001, il a reçu la visite du Yéménite Imad Abdelwalid Ahmed Alwan, un coordinateur d'Al-Qaïda. Ce dernier, arrivé en Algérie en mars 2001, a visité la région sahélienne, mais en se risquant dans le nord du pays, il sera abattu dans la wilaya de Batna le 12 septembre 2002, lors d'une embuscade tendue par les forces de sécurité. En 2003, trois Saoudiens émissaires de Ben Laden prirent attache avec Belmokhtar. Une visite qui coïncidait avec la prise d'otages des touristes allemands occidentaux, par le groupe d'Abderrazak Al-Para. L'argument américain pour adoucir la position algérienne serait que la “branche saharienne” du GSPC s'est développée au Sahel, recrutant des militants dans les pays où elle s'implante. L'autre argument est que cette branche serait en train de se renforcer dans la région en faisant jonction avec les éléments du Groupe marocain de la prédication et du combat (GMPC) et une partie du Front islamique marocain (FIM), sous la bannière d'Al-Qaïda. Dans cette même veine, la montée de l'islamisme au Niger ferait craindre le pire, selon les Américains, particulièrement avec l'ouverture des écoles religieuses qui se substituent de plus en plus aux institutions gouvernementales défectueuses sous l'influence de prédicateurs, notamment pakistanais, afghans et syriens. Les Américains veulent donc sauver les apparences. Il est surtout question pour eux d'aider les pays du Sahel et les Etats frontaliers comme l'Algérie, la Mauritanie, la Libye et le Maroc à renforcer leurs capacités par la formation et la coopération. “L'Africom sera là pour aider” car Washington veut contrer le redéploiement d'Al-Qaïda dans la région. En ce sens, elle met l'accent vis-à-vis des autorités de la région sur les possibilités offertes au GSPC d'un redéploiement significatif au-delà des frontières algériennes vers les cinq Etats limitrophes de la région du Sahel où, semble-t-il, il a réussi déjà à établir une jonction avec des groupes criminels locaux. Voilà donc pourquoi dans le contexte de l'Africom, l'Algérie bénéficie aux yeux des Etats-Unis d'une place privilégiée. Ceci côté jardin, car côté cour, ce commandement aura pour objectif inavoué de défendre les réserves pétrolières et les autres richesses pour sécuriser son avenir. Zahir Benmostepha