L'objet de cette contribution qui fera l'objet d'un large débat au niveau de la chaîne française France 3 Corse le 29 novembre 2011 est de poser la problématique du gazoduc algéro-italien Galsi qui accuse un important retard avec d'importantes réticences des élus de la Sardaigne. La nouvelle équipe gouvernementale en Italie débloquera-elle la situation car le blocage est du côté italien et non pas du côté algérien, les élus corses étant favorables pour un raccordement ? Le problème est posé. 1) Le projet Galsi remis en cause ? Concernant le projet de Galsi, «nous sommes en train de discuter avec nos partenaires. Il n'y a pas de remise en cause du projet», a indiqué M. Yousfi, ministre algérien de l'Energie et des Mines, en mars 2011 à l'agence officielle algérienne. Devant relier directement l'Algérie à l'Italie via la Sardaigne pour un investissement de 3 milliards d'euros, le projet de gazoduc Galsi, dont la mise en service est prévue pour 2014, avec plus de deux années de retard, est actuellement en phase d'études techniques, toujours selon le ministère de l'Energie. Rappelons qu'un accord intergouvernemental relatif à ce projet a été conclu en novembre 2007 entre l'Algérie et l'Italie. Ce gazoduc doit relier Hassi-R'mel à El Kala dans sa partie on shore sur une longueur de 640 km. Dans sa partie off shore, le projet reliera El Kala à Cagliari en Sardaigne sur une distance de 310 km. Le niveau de participation de Sonatrach est de 36 %. Une fois concrétisé, il doit acheminer directement en Italie un volume annuel de 8 milliards de mètres cubes de gaz, a-t-on souligné. Dans le cadre de l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, publié au Journal Officiel du 10 janvier 2010 français, il est prévu que, pour la Corse, les nouvelles centrales thermiques fonctionnent au gaz naturel, dès lors que le raccordement de la Corse au gazoduc Algérie-Italie via la Sardaigne (Galsi) est réalisé. En début de février 2010, le président français Nicolas Sarkozy a annoncé que la France va négocier le raccordement de l'île de la Corse au futur gazoduc Galsi. Selon M. Sarkozy, ce raccordement, qui reste au stade d'un projet à soumettre aux négociations, permettra à l'île française d'assurer son indépendance énergétique. Le président de l'exécutif corse, M. Ange Santini, avait, lui aussi, plaidé pour «un raccordement afin d'alimenter les centrales thermiques corses à Lucciana, au sud de Bastia, et au Vazzio, à la sortie d'Ajaccio, afin d'éviter un nouveau black-out comme l'île en a connu en hiver 2005», surtout les centrales thermiques d'Ajaccio et deLucciana (Haute-Corse), leurs moteurs fonctionnant au fuel étant obsolètes et leur pollution dénoncée par les écologistes insulaires. L'ancien ministre italien pour le Développement économique en 2010, M. Claudio Scajola, en visite à Alger, avait déclaré que des tractations étaient en cours afin d'étendre le gazoduc Galsi à la Corse. Or, contrairement à la majorité des élus corses qui sont favorables au projet Galsi, il semblerait que la majorité des élus de la Sardaigne s'oppose pour l'instant à la réalisation de ce projet du moins dans le tracé traditionnel pour des raisons écologiques et autres et du fait de l'autonomie de cette région, le gouvernement central italien ne pouvant rien faire sans l'aval des élus locaux. Et c'est là qu'entre en scène la concurrence du géant Gazprom. Le gazoduc Nord Stream, inauguré en novembre 2011, qui aura une capacité annuelle de 27,5 milliards de mètres cubes de gaz, un volume qui sera doublé avec la construction sur le même tracé d'un second «tuyau» qui devrait être achevé à la fin de 2012, les deux canalisations devant livrer 55 milliards de mètres cubes afin d'alimenter l'Allemagne, mais aussi la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la France et le Danemark. Plusieurs entreprises participent au consortium Nord Stream : Gazprom (51 % des parts), les allemands Wintershall (filiale pétro-gazière de BASF) et EON Ruhrgas (15,5 % chacun) ainsi que NV Nederlandse Gasunie et le Français GDF Suez (9 % chacun). Il ne faut pas non plus oublier que, dès 2015, un autre gazoduc, South Stream, devrait relier la Russie à l'Europe occidentale. Ce gazoduc devrait avoir une capacité de 63 milliards de mètres cubes de gaz par an, son coût initial est de 25 milliards d'euros — ce coût pourrait être divisé par trois à cinq si ce gazoduc passait par l'Ukraine, ce qui posera la problématique de sa rentabilité —, et sera acheminé sous la mer Noire vers la Bulgarie, la Serbie, l'Italie et l'Autriche, la Turquie ayant donné, le 6 août 2009, son feu vert à la pose dans ses eaux territoriales. Le retard de Galsi est donc préjudiciable à l'Algérie. Un bas prix mettra en danger la rentabilité financière tant ce projet que d'autres projets bien que légèrement amortis du réseau transméditerranéen Transmed, d'une capacité d'environ 30,2 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an, étant prévu d'étendre cette capacité à 33,5 milliards de mètres cubes d'ici à 2012, est un pipeline de gaz naturel qui relie l'Algérie via la Tunisie à la Sicile et de là à l'Italie. Comme se pose le problème de la rentabilité du projet Nigal où, suite au mémorandum d'entente qui a été signé en janvier 2002 entre Sonatrach et Nigerian National Petroleum, réunis à Abuja (Nigeria), les ministres du Pétrole et de l'Energie d'Algérie, du Niger et du Nigeria avaient également signé le 3 juillet 2009 un accord pour construire un gazoduc baptisé Trans Saharan Gas Pipeline de 4.128 kilomètres, dont 2.310 km pour le territoire algérien, qui devrait servir à alimenter l'Europe en gaz puisé dans le delta du Niger, au sud du Nigeria. Avec un coût initial de 5 à 6 milliards de dollars puis reporté à 10 milliards de dollars en 2009, il aurait dépassé actuellement les 13, voire 15 milliards de dollars. Ce projet, financé pour partie par l'Europe avec la crise d'endettement et le bas prix du gaz, est-il rentable sans compter les conflits tribaux ? 2) La concurrence du gaz non conventionnel La production à un rythme rapide des gaz non conventionnels aux Etats-Unis et en Europe (d'après les statistiques internationales, le gaz non conventionnel devant représenter environ 25 % de la production mondiale en 2020) explique en partie cette situation avec un coût de 4 à 5 dollars le MBTU aux Etats-Unis et légèrement supérieur en Europe et en Asie (7 à 8 dollars) depuis la catastrophe nucléaire au Japon. Pour l'Algérie, le prix rentable du gaz conventionnel par canalisation devrait se situer entre 9 et 10 dollars et 13 à 14 dollars pour le GNL. Alors que l'Algérie tablait sur des exportations de l'ordre de 85 milliards de mètres cubes pour 2011/2012, ce qui devient une impossibilité du moins pour cette échéance. Concernant l'approvisionnement de l'Europe, et cela ne concerna pas uniquement Sonatrach mais également le géant russe Gazprom, il faudra tenir compte de la donne polonaise, membre de l'Europe des 27, qui pourrait bouleverser la donne énergétique européenne. D'après l'Agence américaine de l'énergie (rapport 2010), la Pologne aurait une réserve de quelque 5.300 milliards de mètres cubes de gaz de schiste dans ses sous-sols d'une valeur de 1.380 milliards d'euros. D'après un dernier sondage, plus de 60% de la population polonaise est favorable à ce projet malgré le risque de détérioration de l'environnement. Est-ce que la bulle gazière s'arrêtera à l'horizon 2015 ou plus lorsque les contrats à moyen terme de l'Algérie arriveront à expiration, ce qui influencera le niveau d'entrée en devises du fait que le gaz représente plus de 40% des entrées en devises. Quelles sont les perspectives pour l'Algérie ? L'Algérie détient 2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel avec 4.500 milliards de mètres cubes gazeux, estimation faite le 1er janvier 2010 par BP. Elle est classée à la dixième position avec des réserves mondiales, loin de la Russie, classée première, qui détient pas moins de 25,02%, soit 47.570 milliards de mètres cubes des réserves mondiales, l'Iran (15 %) et le Qatar (10 %). L'Algérie fournit à l'Europe 25 à 30% de ses besoins en gaz naturel, ce qui représente 70 % des exportations algériennes, et est le troisième fournisseur de gaz de l'Europe après la Russie et la Norvège. Pour l'Algérie, en dépit d'un redressement de situation en 2010 — 55,28 milliards de mètres cubes de gaz naturel exportés contre 52,67 milliards de en 2009 —, l'Algérie peine toujours à maintenir le niveau des volumes exportés au-dessus de 60 milliards de mètres cubes, un seuil qui était bien conservé entre 2001 et 2008. Selon le gouvernement, la production de gaz naturel de l'Algérie, qui a connu en 2010 un recul de 2,4 % par rapport à 2009, devrait croître nettement d'ici à 2014 avec l'entrée en production de nouveaux gisements gaziers. Ces exportations peuvent être renforcées par la mise en production de nouveaux gisements qui devraient renforcer les capacités de production de gaz naturel de près de 25 milliards de mètres cubes d'ici à 2014, ce qui nous donnerait 80 milliards de mètres cubes gazeux en 2014. Les économies d'énergie suppose un nouveau modèle de consommation énergétique, une politique des prix plus rationnelle et le développement de sources alternatives d'énergie comme le solaire pour les besoins du marché national. Ce qui permettrait d'alléger la pression de la demande sur l'offre de gaz et l'Algérie pourra honorer ses engagements internationaux, car il ne faut pas seulement comptabiliser les exportations mais également la consommation intérieure. Ne pouvant pas compresser la demande intérieure en deçà de 50 milliards de mètres cubes gazeux entre 2011 et 2020, le raisonnable étant 60, voire 65 milliards de mètres cubes gazeux, au risque de freiner le développement, compte tenu des exportations prévues et de la consommation intérieure (scénario moyen du CREG). Concernant les exportations par canalisation, à titre de rappel, Medgaz est le troisième gazoduc algérien qui livre le gaz à l'Europe, avec le GME (gazoduc Maghreb-Europe) qui transite par le Maroc et le détroit de Gibraltar. Medgaz compte comme actionnaires Sonatrach, majoritaire avec 36%, l'espagnol Cepsa Iberdrola Endesa et Gaz de France. On estime à 2 milliards de dollars annuellement les revenus en devises tirés par l'Algérie de Medgaz dans une première phase pour un volume d'exportation de 8 milliards mètres cubes par an représentant 28 milliards de dinars en monnaie locale et 148 millions d'euros en devises. Ce montant concerne le chiffre d'affaires et non le profit net de Sonatrach. Il est entendu que la demande extérieure des hydrocarbures pour l'Algérie d'une manière générale sera fonction d'une reprise ou pas de l'économie mondiale et de l'évolution du cours du dollar. Rappelons la chute des cours en 1986 avec toutes les ondes de choc politiques, économiques et sociales entre 1988 et 1994 (rééchelonnement) et de près de 45% des recettes en devises de Sonatrach après la crise de 2008/2009.