L'arrivée dans les prochains jours à Annaba du nouveau directeur général et d'une brigade d'inspecteurs et auditeurs chargés, sur instruction du ministre des Ressources en eau (MRE), d'effectuer des investigations à la Société des eaux et assainissement de Tarf et Annaba (Seata), remet sous les feux de la rampe ce dossier qui a fait couler beaucoup d'encre. Et pour cause les scandales qui ont éclaté au grand jour dont celui de l'important détournement de deniers publics commis à l'agence Ménadia. Ce genre de pratique a permis aux auteurs de mettre quotidiennement dans leurs poches la recette de cette agence. Le préjudice serait très important. Les enquêteurs ont atteint aujourd'hui 180 millions de dinars et le décompte se poursuit toujours. Cette pratique avait été dénoncée au MRE en 2010 par Mario Lopez directeur commercial alors que la Seata était encore gérée par les Allemands. Pour avoir osé, Mario Lopez avait été licencié à son retour d'Alger. En 2014, c'est au tour d'un cadre algérien d'enfreindre l'omerta en alertant la direction générale sur un important trou de caisse. Mieux, pour éviter que l'information soit classée sans suite, il a alerté le procureur de la République près la cour de justice de Annaba. A partir de là, les informations sur des détournements se succédèrent. Les enquêteurs devraient y ajouter la mauvaise gestion, la dilapidation des biens publics, l'utilisation des biens de l'entreprise à des fins personnelles, les fausses déclarations de recettes, fausses facturations et bien d'autres actes délictuels préjudiciables à l'entreprise. Prise en charge par les éléments de la brigade économique et financière de la sûreté de wilaya d'Annaba, l'enquête s'est avérée complexe. Le fait que l'intérim de la direction générale soit assuré par un cadre non-diplômé parvenu à ce niveau hiérarchique grâce à une formation sur le tas, ne facilitait pas les investigations. D'autant qu'il est dit que ce directeur général intérimaire a des soucis à se faire au regard de la mauvaise gestion et laisser-aller qui ont caractérisé les activités de cette entreprise depuis 2008, année de sa création. Il ressort que ce DG anciennement directeur ADE Annaba n'est pas indemne de tout soupçon. Il serait impliqué directement ou indirectement dans les scandales ayant secoué cette structure décentralisée du MRE. Nos sources ont affirmé, qu'interpellé par les membres du conseil d'administration de la SEATA sur son absence de réaction aux anomalies qu'il a relevées dans la comptabilité de l'ADE, l'auditeur aurait répondu : «je n'ai pas cessé à chaque fois que de besoin de les signaler noir sur blanc à ma hiérarchie. Là s'arrêtent mes prérogatives». C'est dire que la tasse est aujourd'hui pleine et c'est à qui tirerait la couverture à soi. Dans le milieu des 2 500 salariés de la Seata (DG+2 unités Annaba/Tarf), il est question de piquages illicites réalisés par les propres agents de l'entreprise, de promotions à des postes clés de responsabilité de proches parents et affinités sans compétence aucune, de détournement de moyens matériels de l'entreprise et autres méfaits préjudiciables aux intérêts de la Seata. L'on avance aussi la disparition de 1 300 compteurs neufs de l'unité d'Annaba. Il y a également le détournement d'un lot de terrain situé dans l'enceinte de la station de pompage de Seraïdi. Propriété de la Seata conformément à une décision d'attribution établie par la commune de Seraïdi, ce terrain a été squatté par un agent de la société pour en faire sa propriété. Ce fait accompli matérialisé par la construction d'une bâtisse devrait permettre à l'indu occupant de bénéficier des nouvelles dispositions de la loi portant régularisation de la situation des auto- constructeurs. Cette nouvelle affaire confirme qu'outre le fait qu'elle est un véritable gouffre financier, la Seata est aussi la caverne d'Ali Baba. Même le fonds social n'a pas été épargné. Issu de la masse salariale mensuellement prélevée par l'employeur, la gestion de ce fonds pose problème. A l'exception des 10 000 DA versés à chacun d'eux à chaque fête du sacrifice, les travailleurs affirment que la destination prise par le reliquat de cette manne financière, reste à démontrer. En contradiction avec la loi en la matière, aucun bilan moral ou financier n'a été établi par le comité de participation durant plus d'une décennie. Cette affaire de fonds social est également sous les projecteurs des enquêteurs. C'est pourquoi, les uns et les autres cadres et salariés ont accueilli favorablement la déclaration du ministre des Ressources en eau faite à l'issue de sa récente visite de travail à Annaba. Succinctement, le représentant du gouvernement avait souligné la nécessité d‘élaborer un programme d'assainissement, de restructuration et la mise en application d'une stratégie pour une bonne gouvernance. Cette démarche se justifie par les sureffectifs, recrutements massifs, erreurs de gestion, accumulation des pertes et vieillissement des outils de production. Interrogés, des cadres ont estimé qu'il manque à la Seata, une stratégie de thérapie à court et long termes. C'est certainement la mission impartie aux quatre cadres dirigeants dont le nouveau DG désigné par le ministre pour remettre la Seata sur rail. Formant le nouveau staff dirigeant, ils sont attendus en même temps que la commission d'enquête. Selon nos sources, celle-ci devra déterminer les responsabilités dans ce qui s'apparente à des scandales à répétition, conséquences de l'incompétence de ceux qui s'étaient succédé à différents postes de responsabilité à la Seata.