Elles font l'ouverture des journaux télévisés quand elles brûlent. Elles nourrissent les fantasmes d'une certaine classe politique lorsqu'elles sont le théâtre d'affrontements violents avec les forces de l'ordre. Le reste du temps, les banlieues ne sont pas à l'ordre du jour. Oubliées, abandonnées, souvent stigmatisées, ces « no go zones », dont l'histoire se confond avec le sort qui leur sont réservées, sont totalement absentes du débat de cette élection présidentielle. Pourtant, à l'approche d'échéances électorales celles-ci sont d'ordinaire convoitées : une voix des banlieues vaut bien celle des quartiers huppés de la capitale ! Elles auraient du être des territoires de mixité sociale par excellence, des pôles économiques pourvoyeurs d'emplois, les banlieues, ce boulet de la République, où coexistent dix millions d'âmes [ toujours vus comme des banlieusards-d'origine-immigrée-musulmans ], à l'inverse, elles se distinguent par la violence et le chômage [ le plus grand taux de chômage en comparaison à la moyenne nationale]. Pendant les campagnes électorales, les promesses foisonnent. Non seulement elles ne sont jamais tenues, pire encore, c'est le sentiment d'abondan et d'injustice qui prend le pas sur l'espoir d'un avenir meilleur. Gauche ou de droite au pouvoir, il n'y a pas de quoi pavoiser. Le traitement réservé par les gouvernements successifs aux quartiers de la périphérie est identique : l'oubli. En 1995, Jacques Chirac dénonçait « le creusement de la fracture sociale, symbolisée par la montée inexorable du chômage ». Cette déclaration visait aussi sans la nommer la banlieue, un segment non négligeable de la population en général et non moins défavorisé, comparé aux autres régions du pays. Depuis, la fracture s'est amplifiée, aidée dans l'oeuvre de déconstruction par la montée des extrémismes. L'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir n'a permis ni la prise en charge des difficultés auxquelles sont confrontées ces parcelles de la République ni apporter l'apaisement. Le candidat au fameux slogan de campagne « travailler plus pour gagner plus » n'a pas, une fois élu président, réussi la gageure de réduire le chômage dans ces banlieues qu'il fallait, selon lui, « nettoyer au kärcher». Avec François Hollande, ce n'est guère mieux. Les « Big-up François Hollande!» et «François président Inch'Allah» n'ont pas suffi à amener le nouveau président de gauche à s'occuper davantage de la banlieue, qui est « tout simplement la France!», haranguait-il alors dans son discours d'Aulnay. En 2012, le candidat socialiste avait promis de faire des cités « sa priorité ». Cinq années plus tard, hormis quelques « mesurettes» sans réel impact, les promesses demeurent au stade de la formulation. La circulaire contre les délits de faciès lors des contrôles policiers qu'il avait, là encore, promise en campagne est enterrée une fois élu. Et depuis, les fouilles sont quotidiennes et répétées selon le bon vouloir des policiers, les interpellations sont de plus en plus musclées. D'où la colère et la violence. « Personne ne naît voyou, pas plus qu'aucun n'a à l'adolescence la prison comme point de chute », assène Hacene, un jeune militant associatif en banlieue lilloise. Peu à peu, la banlieue est devenue synonyme de délinquance, un lieu où prolifère l'économie parallèle et où la drogue est non assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Pire encore, rien qu'à y habiter est un handicap en soi. C'est aussi là où s'opèrent des contrôles systématiques des populations immigrées, dont certains débouchent sur des bavures policières, parfois non sanctionnées. « Pour autant, la justice ne doit pas fonctionner à deux vitesses. Quand des actes délictueux sont commis, ceux-ci rendent leur auteurs coupables aux yeux de la loi qui doit sévir et punir avec la même sévérité quels qu'en soient les responsables », souligne un autre membre de l'association. « Mais, ce que tout le monde [ policiers, justice, autorités à tous les niveaux ] feint d'ignorer est que la quantité de drogue, dure celle-là, qui circule dans les quartiers riches des grandes villes de France est sans commune mesure avec nul autre endroit et les barons à la tête des réseaux sont loin d'être des banlieusards », rectifie le jeune associatif. Là, il s'agit d'une autre histoire. A l'évidence, il n'y a pas de solution miracle susceptible de sortir les banlieues du climat d'insécurité permanent, d'éradiquer la délinquance et de réduire de façon drastique le chômage qui frappe les jeunes de ces quartiers. Mais, vivre paisiblement en banlieue c'est possible, sous condition que le gouvernement manifeste une réelle volonté de prise en charge des quartiers par des actes concrets et non pas par des postures politiciennes, quand elles ne sont pas de nature à plus stigmatiser les populations. Et, surtout, d'arrêter de faire des banlieues l'exutoire des peurs.