Au Japon, les éditeurs combattent vigoureusement le piratage des mangas et autres animes. L'un des derniers exemples en date concerne Shueisha, qui a récemment fait appel à un tribunal américain pour obtenir une ordonnance obligeant Google, Visa et PayPal à fournir des informations personnelles identifiables (PII) au sujet des opérateurs de plusieurs sites pirates. L'Etat japonais intensifie également ses efforts pour contrer ce fléau, par l'entremise de l'intelligence artificielle… L'Agence japonaise pour les affaires culturelles a en effet alloué une somme de 300 millions de yens (soit près de 1,9 millions d'euros) pour combattre le piratage en ligne et investir dans un logiciel d'IA destiné à repérer les contenus piratés dès leur publication, révèle NHK. Bien que le programme soit encore en phase de développement, l'objectif est que l'IA puisse identifier rapidement les contenus illicites, dès qu'ils apparaissent sur Internet. Comment ? En étudiant la mise en forme des publicités qui permettent à ces sites de fonctionner gratuitement. En outre, le logiciel offrirait aux détenteurs de droits la possibilité de demander le retrait rapide des contenus piratés. « Il y a des limites à la détection des sites pirates à l'œil nu, car cela prend du temps et des ressources. Nous souhaitons développer des contre-mesures efficaces pour réduire le nombre de sites pirates et protéger les détenteurs de droits », affirme l'Agence pour les affaires culturelles. Selon les données fournies par l'organisme qui dépend du ministère de l'Education, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, le piratage d'animes et de mangas génère des pertes estimées à 2000 milliards de yens, soit environ 12,9 milliards d'euros chaque année. Selon le label ABJ (Authorized Books of Japan), les pertes financières liées aux plateformes illégales japonaises ont atteint, en 2023, 381,8 milliards de yens (soit environ 2,3 milliards d'euros). En 2021, ce montant était estimé à près de 6 milliards d'euros. Les éditeurs japonais sont par ailleurs particulièrement préoccupés par l'expansion des sites pirates étrangers. D'après l'ABJ, parmi les 1200 sites piratés recensés en février 2024, seuls 24 % étaient en japonais, tandis que 38 % étaient en anglais, 14 % en vietnamien et 6 % en chinois. Un problème mondial Le piratage des animes et des mangas en ligne est en effet un défi global, et le Japon n'est pas le seul à investir dans des technologies de lutte contre le piratage. Le site Webtoon, par exemple, a mis au point le Toon Radar, un système qui intègre des informations directement dans le code des webtoons pour pouvoir remonter jusqu'à la source des fuites. En août dernier, Netflix et Crunchyroll ont été victimes de l'une des fuites d'anime les plus importantes de l'histoire. Pour faire face à cette situation, Netflix a déposé une assignation en justice contre l'application de messagerie Discord. Cette action visait à obliger la plateforme à fournir « des informations suffisantes pour identifier l'utilisateur(s) du compte@jacejohns4n, responsable de la publication non autorisée d'une image protégée par des droits d'auteur autour du 12 novembre 2024 », et a exigé des détails tels que le nom légal, l'adresse, le numéro de téléphone, l'e-mail et les adresses IP de l'individu responsable. Shueisha, éditeur japonais, a de son côté demandé, en octobre dernier, à un tribunal californien, une ordonnance contraignant Google, Visa et PayPal à fournir des informations sur les opérateurs de sites pirates, dans le but de les poursuivre au Japon pour violation du droit d'auteur. La requête repose sur l'article 1782 du Code des Etats-Unis, permettant de mener une enquête limitée aux Etats-Unis. L'éditeur souhaite obtenir des données personnelles telles que les noms, adresses et journaux d'accès des opérateurs liés à des comptes PayPal, Visa et Google AdSense. Une série de fermetures En parallèle, la plateforme Dramacool a annoncé la fermeture de ses sites Asianc, Watchasia, Dramanice et Runasian, sous la pression des détenteurs de droits d'auteur. À la suite de cela, le portail espagnol AnimeFenix a également fermé, évoquant une pression accrue de la part des ayants droit, particulièrement de Sony. Parallèlement, les sites GogoAnime et Anitaku, qui attirent plus de 100 millions de visites mensuelles, ont cessé d'ajouter de nouveaux contenus, bien qu'ils restent encore accessibles. En réponse à cette situation, des sites pirates alternatifs connaissent un afflux de nouveaux utilisateurs. Parmi ceux-ci, Tribler, un client BitTorrent décentralisé, a vu son nombre d'utilisateurs augmenter de manière significative après ces fermetures. Le logiciel, qui assure l'anonymat des utilisateurs, semble attirer de plus en plus de pirates à la recherche de nouvelles solutions.