Mais cette mesure ne sera jamais appliquée. Pour certains, le recul du gouvernement pour appliquer cette décision serait lié au dysfonctionnement du système financier et bancaire national. Les banques algériennes n'étaient pas prêtes, à l'époque, à répondre à une large utilisation du chèque et de la carte bancaire dans les transactions supérieur à 50 000 DA, soit l'équivalent de 500 euros. Pour d'autres, le seuil minimum des 50 000 DA, fixé par le gouvernement, serait irréaliste vu le poids de l'utilisation des liquidités au sein de la société. « Ce serait vraiment un miracle de voir un client payer par chèque l'achat d'un appareil électroménager coûtant 50 000 DA et le commerçant l'accepter», ironisait à l'époque les détracteurs de cette mesure. Cinq ans plus tard, le gouvernement revient à la charge et relance une seconde fois cette affaire de paiement par chèque. Le Conseil des ministres qui s'est réuni le 11 juillet 2010 sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika adopta un projet «de décret exécutif instaurant l'obligation de recours à la monnaie scripturale (chèque ou cartes bancaires) pour tout paiement supérieur à 500 000 DA». Le conseil du gouvernement précisera dans son communiqué que cette mesure découle d'une disposition de la loi de février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. En clair, la lutte antiterroriste ne dépend pas seulement de l'efficacité des opérations menées par les services de sécurité mais aussi de l'assèchement des sources de financement des activités des groupes terroristes. Comme dans la majorité des pays conscients de leur stabilité politique, économique et sécuritaire, «la traçabilité» de l'argent est plus que nécessaire. En Algérie, certaines sources évaluent le poids de l'économie informelle à près de 30% du produit intérieur brut (PIB). En 2008, le PIB de notre pays avoisinait les 11 000 milliards de dinars. Si on considère le niveau de l'économie informelle à 30% du PIB, ce ne sont pas moins de 3 300 milliards de dinars (330 000 milliards de centimes) qui circulent en dehors de tout système financier et bancaire du pays. Ce colossal montant financier échappe aussi à tout contrôle des administrations fiscale, douanière et sécuritaire. Il est clair que le terrorisme trouve dans l'économie informelle, la contrebande et le trafic de drogue des sources de financement intarissables. Principal secteur économique où le chèque est banni, l'agriculture. Cette importante activité économique fournit annuellement au PIB pas moins de 800 milliards de dinars. De l'agriculteur au mandataire en passant par l'éleveur et le maquignon, sans oublier le grossiste des marchés de gros et le vendeur des fruits et légumes, la culture du chèque dans les transactions est inexistante. Dans ce secteur, le commun des mortels sait que la flambée des prix des fruits et légumes et des viandes est le résultat de la présence d'une multitude d'intermédiaires qui échappent à toute forme de contrôle des différentes administrations publiques. L'autre secteur qui risque gros dans le cas de l'application de la mesure prise par le Conseil des ministres, l'immobilier. L'immobilier est le placement privilégié de ceux qui blanchissent l'argent. A titre d'exemple, les prix de l'immobilier et du mètre carré à bâtir à Alger et ses environs immédiats équivaut presque à ceux pratiqués à Paris, en France. Très souvent, on lit dans les colonnes de la presse que tel gros trafiquant de drogue ou groupe terroriste avaient les moyens de payer à un prix fort des villas et des appartements de luxe dans les quartiers huppés de la capitale et des principales grandes villes du pays. L'obligation à partir de 2011 de payer toute transaction immobilière par chèque permettrait sûrement de contrôler une activité qui n'obéit à aucune logique économique et réglementaire dans notre pays. Même cas pour le marché automobile. Aussi absurde que cela puisse paraître, des concessionnaires automobiles agréés par l'Etat vous donnent le choix de payer votre véhicule par chèque ou cash. Concernant le marché automobile d'occasion, ce dernier échappe lui aussi à tout contrôle. Comme on pourrait le constater, l'instauration de l'obligation de recourir au chèque ou à la carte bancaire pour tout paiement supérieur à 500 000 DA risquerait fort de déranger beaucoup d'intérêts. Et il n'est pas à écarter que de puissants groupes de pression entameront des manœuvres pour retarder encore une fois l'application de cette mesure. Mais pour l'Etat, l'instauration de la transparence dans toutes les transactions financières est devenue une urgence pour lutter efficacement contre les différentes formes de criminalité : trafic de drogue, contrebande et terrorisme.