L'absence de liquidités, devenue récurrente, laisse libre cours à la spéculation. Chaque animateur de discussion use de son imagination pour expliquer le manque de liquidités dans les caisses des postes et des agences bancaires secondaires. Certains avancent qu'il y a inflation et qu'il y aura retrait de tous les billets actuels pour qu'ils soient remplacés par une nouvelle monnaie qui sera frappée, afin, disent-ils, de retirer de la circulation les faux billets, ajoutant qu'il y a sur le marcher, selon leurs sources crédibles, des milliers de milliards de dinars. D'autres prédisent la mise en circulation d'une nouvelle monnaie qu'ils désignent par «nouveaux dinars». Par contre, les premiers ajoutent qu'il y aura l'injection de nouveaux billets, celui du demi-million et du million, soit le 5 000 DA et le 10 000 DA. Ces spéculations dureront tant qu'il n'y aura pas d'explication de la situation, si situation il y a, bien entendu. Les spéculations, les supputations et autres analyses fanfaronnes combleront le vide. C'est aussi le vide dans les caisses des bureaux d'Algérie Poste et des agences bancaires de l'intérieur du pays. Les dépositaires et autres détenteurs de comptes CCP ou bancaires ont de l'argent et ne peuvent en bénéficier. La situation devient intenable pour les banquiers et les postiers, surtout pour les préposés aux guichets qui, pour leur malheur, deviennent les réceptacles des dérapages verbaux, d'insultes véhémentes et parfois de crachats. Dans les meilleurs des cas, ce sont les receveurs des petites postes qui sont obligés de se mettre du côté de leurs clients, même à tort, pourvu qu'ils ne dépassent pas les limites et c'est surtout pour sauver les meubles d'éventuels saccages et actes de vandalisme. D'ailleurs, dans plusieurs communes de l'intérieur, il a été enregistré des étincelles vite éteintes. Dernièrement, le 31 octobre, à Djelfa, aux environs de 9h30, plus de 2 000 personnes ont occupé pendant plus de 20 minutes le rond-point central qui dessert toutes les directions en signe de protestations contre Algérie Poste pour l'absence de liquidités. Il a fallu que les services de sécurité de Djelfa, pour disperser les protestataires, promettent de transmettre leurs doléances à qui de droit. Les clients, si on peut les appeler ainsi, ont besoin d'argent pour régler les factures, le loyer, les médicaments et toute autre dépense nécessaire au quotidien à la personne ou à la famille. Un autre son de cloche s'est fait entendre dernièrement : c'est pour retirer les billets des 200 DA qui sont complètement usés : sur chaque billet, il y a plus de ruban adhésif que de papier. Depuis, les langues se délient pour commenter les dessins et les figures frappées sur le papier monnaie. En attendant, les dépenses baissent, «ce sont des économies forcées», nous dira un enseignant. Il expliquera qu'il n'achète que le juste nécessaire. Les commerçants qui accordaient des crédits, «el-carnet», serrent à leur tour l'étau et ne fournissent que l'huile, le café, le sucre, la semoule et le savon. A défaut de billets, c'est le capital crédit qui prévaut pour bénéficier du carnet de crédit.