La rue à Khartoum a pris ostensiblement le parti de l'Algérie et de son équipe nationale. Elle a, ce faisant, infligé un camouflet moral sans appel à la Fédération égyptienne de football et ses tuteurs politiques. En choisissant le Soudan comme pays d'accueil du match de barrage, les autorités égyptiennes avaient la certitude d'envoyer leur équipe nationale en terre acquise à leur cause. Le calcul n'était pas sans fondement, tant les peuples soudanais et égyptien semblent avoir une relation particulière, justifiée par leur voisinage, un passé historique en commun et des échanges multiformes intenses. Sauf que la morgue et la suffisance que les Egyptiens cultivent à l'égard des autres peuples arabes, qu'ils soient leurs voisins proches ou pas, ont joué contre eux parmi la population soudanaise. Convaincues d'être les «grands frères» admirés et respectés ainsi que leur propagande officielle le ressasse, les autorités du Caire découvrent que le comportement de l'Egypte et des Egyptiens ne passe pas et qu'il suffit de la moindre circonstance pour qu'on le leur fasse sentir. Le traquenard qui a été organisé au Caire contre l'équipe nationale algérienne, le traitement révoltant qui a été réservé aux Algériens sur les rives du Nil après le match de samedi dernier ont poussé les Soudanais indignés à montrer qu'ils ne sont pas les «inconditionnels» de cette Egypte arrogante qui considère comme son dû l'allégeance en toute circonstance du Soudan et de son peuple. Pour aussi lointaine géographiquement que se situe l'Algérie par rapport au Soudan, son peuple dispose dans ce pays d'un capital sympathie qui remonte à son héroïque guerre de libération nationale. Les Soudanais respectent d'autant les Algériens qu'eux-mêmes ont eu à combattre le fait colonial chez eux, dont l'Egypte fut à un moment le symbole. Au final, les Soudanais ont réservé un accueil chaleureux, complice et fraternel aux milliers de supporters algériens qui se sont déversés sur Khartoum. Ils ont été sensibles au sentiment de fierté patriotique qui a fait converger cette multitude d'Algériens chez eux. Cette fraternité spontanée que se sont démontrés Algériens et Soudanais n'était pas prise en compte dans le scénario imaginé par les autorités du Caire en choisissant de domicilier le match barrage dans la capitale soudanaise. C'est tout le contraire qui est advenu, puisque l'accueil soudanais a eu pour effet de doper encore plus le moral du onze national algérien. Les Algériens ont une grande reconnaissance au peuple soudanais pour son accueil et ses encouragements. Peuple qui ne prétend pas que son pays est «la mère du monde» mais qui a donné une sacrée leçon de civilité à ceux qui se pensent le sel de la terre. Merci donc au Soudan et à charge de revanche, car le peuple algérien n'est pas ingrat.