Le ministère du Commerce reconnaît qu'il ne pourra jamais venir à bout de pratiques délictueuses qui prolifèrent dans la sphère commerciale nationale. Hier mercredi, Hassina Lebkiri, directrice du contrôle de la qualité et de la lutte contre la fraude au ministère du Commerce, a indiqué que son département n'a que 4.500 agents contrôleurs pour gérer un fichier national de plus de 1,3 million de commerçants légaux. Sans l'avouer explicitement, elle reconnaît que le nombre d'agents de contrôle est vraiment insignifiant, à l'échelle nationale, comparativement au nombre de commerçants enregistrés au niveau du CNRC. Quant aux commerçants ne disposant pas de registre de commerce, et qui pullulent aux abords des marchés et artères principales des grandes villes, leur nombre serait tout simplement impressionnant. Comment, dès lors, maintenir une activité de contrôle de la qualité et des prix des produits notamment alimentaires dans ces conditions démentielles ? Cette responsable au ministère du Commerce souligne seulement que cette carence du nombre d'agents contrôleurs sera dans un premier temps compensée par le recrutement de 1.000 agents avant la fin de l'année, et 7.000 autres durant le présent quinquennat, c'est-à-dire d'ici 2014. La tâche est énorme, les missions difficiles. Selon le CNRC, le secteur compte au 31 décembre 2009 près de 1,306 million d'inscrits, dont 1,118 million de personnes physiques (91%) et 117.549 personnes morales (7%), soit 92.450 commerçants de plus par rapport à 2008 (+7,61%). Le secteur des services vient en première position avec 29.657 commerçants, suivi par le commerce du détail (19.469 inscriptions) et la production industrielle, le BTPH et les activités artisanales (13.465). Le commerce du détail se taille, par ailleurs, la part du lion avec 48%, avec 32,6% des personnes physiques dans les services, 14,3% dans la production industrielle et le BTPH, 4% pour le commerce de gros et 0,5% pour la production artisanale. Tunisiens, Marocains et Syriens sur la brèche Et, comme les activités du secteur tertiaire sont en constante évolution, drainant un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliards de dinars annuellement, elles ont fini par attirer des opérateurs étrangers, des Egyptiens, Marocains, Tunisiens, Français et même Chinois, bien installés dans ce créneau. Les chiffres du CNRC indiquent ainsi que le nombre de commerçants étrangers exerçant en Algérie est passé de 6.454 à fin 2008 à 7.108 au 30 juin 2009, dont 1.651 personnes physiques et 5.475 personnes morales, soit une hausse de 10,13%. Ainsi, le nombre de commerçants tunisiens est de 554 inscrits au CRNC, soit 33,56% de la totalité des commerçants étrangers. Les Marocains, qui résident en grand nombre à l'ouest du pays, occupent la deuxième place avec 431 commerçants (26,11%), suivis par les Syriens (231), les Egyptiens (109), les Palestiniens (77) et, enfin, les Français (29). Les Chinois, qui ont fait leur entrée sur la pointe des pieds sur le marché algérien de la confection et de la chaussure, sont au nombre de 101 personnes physiques. Pour les personnes morales, les nationalités des gérants étrangers des sociétés les plus nombreuses sont française avec 1.060 personnes, soit 19,42% du total, syrienne avec 670 personnes (12,28%) et chinoise 591 (10,83%). Le commerce est ainsi devenu un des grands secteurs d'activité économique en Algérie, avec plus de 2 milliards de dollars d'importations de produits alimentaires et 2,5 milliards de dollars pour les biens de consommation au mois de mai dernier. Globalement, la facture des importations de biens de consommation pour le secteur tertiaire avoisine mensuellement les 4 à 5 milliards de dollars, suffisant pour créer un vaste marché national qui a généré une formidable chaîne de distribution, qui draine un nombre toujours croissant d'opérateurs, de commerçants et de revendeurs de tous genres. Pour le 1er semestre 2010, le bilan des services de contrôle de la qualité et de la répression de la fraude est de 900.000 interventions des agents de contrôle sur l'ensemble du territoire national, avec à la clé l'enregistrement de 190.000 délits, 100.000 infractions et 90.000 décisions de fermeture de locaux. La valeur des procès-verbaux dressés durant cette période contre des commerçants pris en infraction varie de 50.000 à 200.000 dinars. Beaucoup de commerçants font «feu de tout bois» en été et au mois de ramadhan, relève la directrice chargée du contrôle de la qualité et de la répression de la fraude au ministère. Les «bons» et les «mauvais» commerçants Une période propice pour nombre de revendeurs sans registre de commerce de prospérer. Sur un autre registre, le ministère avait, du temps de El Hachemi Djaâboub, institué un registre national des fraudeurs. Au mois de mars dernier, l'ex-ministre du Commerce El Hachemi Djaâboub avait affirmé que 66.000 dossiers d'opérateurs économiques inscrits au fichier national des fraudeurs ont été transmis à la justice. «Ces opérateurs fraudeurs seront poursuivis pour délit à la réglementation en cours», avait souligné le ministre. Le ministère du Commerce avait, dans le cadre de la lutte contre la fraude, mis au point un fichier national des fraudeurs, recensant les auteurs d'infractions graves aux législations et réglementations fiscales, douanières, bancaires, financières, commerciales, ainsi que le défaut de dépôt légal des comptes sociaux. Est-ce suffisant, pourtant, pour assainir totalement un secteur tentaculaire qui draine un chiffre d'affaires ahurissant ? La facture des importations de biens de consommation et alimentaires est suffisamment chargée, même avec la cure d'amaigrissement version LFC 2009, pour faire prospérer les bons et les «mauvais» commerçants.