Ils étaient moins nombreux que la veille, ce qui ne les a pas empêchés de sortir dans la rue. Ils ont tenu une sorte d'assemblée où l'investissement de la rue a été voté par la majorité d'entre eux. Ils sont décidés désormais à porter leur revendication sur l'espace public parce qu'ils ne supportent plus l'autisme des responsables de l'Université. Il s'agit des étudiants d'Architecture de l'Université de Mohamed Boudiaf (ex USTO). Agissant contrairement à la veille et pour éviter la violence policière, ils n'ont pas marché sur la chaussée, donc ils n'ont pas gêné la circulation routière. Sur les trottoirs, ils ont marché sous l'œil vigilant des éléments de la police, jusqu'au rond-point dit El Morchid. Jeunes et excédés, ils ont presque couru. Ils ont décidé de faire placette en face du jardin, se trouvant en haut des HLM, le lieu de leur sit-in. Bien évidemment, ils ont scandé des slogans contre leur ministre de tutelle qui leur a fait perdre au moins une année. Ils sont en grève depuis plus de deux mois, ils savent que désormais il leur est impossible de rattraper le retard accumulé. La venue d'un cordon de sécurité pour les empêcher d'aller en ville, n'a fait qu'accentuer leur protestation. Tous les passants empruntant ce carrefour se sont interrogés sur les raisons de la colère de ces étudiants. Bien évidemment, les éléments de la police leur ont retiré des bouts de carton sur lesquels ils ont formulé quelques uns de leurs slogans. Encore une fois, ils ont subi des brutalités policières. Dix-huit d'entre eux, dont au moins une fille, ont été embarqués puis libérés une heure après. La fille en pleurs a essayé d'expliquer aux journalistes et au représentant de la LADDH, se trouvant sur place, ce qu'elle a subi comme violence physique et verbale de la part d'un officier de police. Elle s'est déclarée déterminée à l'ester en justice. Vers midi et après le retour de leurs camarades emmenés par la police, ce groupe d'une trentaine d'étudiants a mis fin au sit-in et a rejoint l'université. Avec la détermination de revenir à la rue, plus nombreux et mieux organisés. A l'IAP, les étudiants de l'Institut de la Maintenance et Sécurité Industrielle, eux aussi en grève depuis deux mois, ont tenu leur sit-in devant le siège du rectorat de l'Université d'Es Senia. Comme les architectes, ils s'estiment également victimes du fameux décret instaurant la différenciation entre ingénieurs du système classique et diplômés du LMD. Parce que leur institut se trouve dans un lieu, un peu à l'écart des regards, le mouvement des étudiants de cette filière, qui perdure depuis plus de deux mois, avec un arrêt de quinze jours, bénéficie de peu d'intérêt médiatique. Pourtant, ils posent des problèmes ayant un rapport avec le LMD et d'autres spécifiques. Ils se plaignent notamment du délabrement des locaux où ils poursuivent les cours et qui seraient amiantés. Aussi, posent-ils le problème des stages pratiques, puisqu'ils doivent attendre jusqu'à la quatrième année pour pouvoir y accéder. En fait, en plus d'un statut à la fin de leur cursus, ils revendiquent un minimum de conditions requises pour une scolarité normale. Hier, ils ont tenu leur énième sit-in. Mardi prochain, une soixantaine d'entre eux se déplaceront sur Alger pour prendre part à une manifestation nationale. Jusqu'ici, ils ont respecté l'engagement de protester à l'intérieur de l'enceinte universitaire, mais il n'est pas exclu qu'éventuellement, ils cèderaient à la tentation d'investir la rue en établissant la jonction avec les autres étudiants se considérant également lésés par le système LMD. D'ailleurs des concertations sont engagées entre différentes filières pour examiner cette perspective.