C'est à Kheiter qu'a été donné, au début de ce mois, le coup d'envoi du festival de Maoussim de Sidi Khelifa dans cette région du sud-ouest oranais qui a commencé par l'incontournable ouada rassemblant des milliers de visiteurs venus de toutes les contrées du pays. Fantasias, meddah, poètes et chantres de la poésie populaire, tambours et flutes en bandoulière, se sont donnés à fond pour animer ces rencontres dans une ambiance festive et dans une atmosphère où se mêlaient poudre et poussière. Une fête populaire qui a fait la joie des visiteurs et la fierté des organisateurs locaux. A El-Abiodh Sid Cheikh, les festivités du Rakb de Sid Cheikh, Mouls'houl, ont débuté très tôt jeudi matin pour trois journées consécutives durant lesquelles les tolbas veilleront pendant les soirées à réciter les 60 versets du Saint Coran autour du tombeau du saint patron de la ville. La clôture de ce maoussim sera marquée par la lecture de la Khatima peu avant l'aube du vendredi et marquera ainsi la fin des festivités. Quant à la zaouïa, elle a ouvert ses portes pour offrir le couvert aux dizaines de milliers de convives venus prendre part à cette fête religieuse. Il ne s'agit, en lever de rideau naturellement, que du premier acte de ce cycle de manifestations dont le second sera entamé juste après la fin du prochain mois sacré du ramadan. Qui des habitants du Grand Maghreb arabe, des pays du Sahel ou ceux parmi notre communauté installée en Europe occidentale ne connaît pas ou n'a pas entendu parler du vénérable saint et combattant Sidi Abdelkader Ben Mohamed , plus connu sous le nom e Sid Cheikh Moul- Eshoul( pluriel de vallée ). Dommage que les manuels scolaires ne font point état de ce combattant et saint homme qui a su marquer son nom en lettres d'or sur les pages de la glorieuse histoire de notre pays, au même titre que l'épopée de Cheikh Bouamama lors de l'insurrection des Ouled Sidi Cheikh dans la seconde moitié du 19ème siècle. Son imposant mausolée trône au milieu d'un vaste espace (Tahtaha) en centre-ville, non loin de ceux d'une dizaine de sa noble descendance. La kouba érigé peu après sa mort en 1616 a pu résister contre vents et marées aux coups de buttoir du sinistre colonel français Négrier qui ne s'embarrassa d'aucun scrupule pour ordonner la destruction totale du mausolée à coups de canon en guise de représailles après la défaite de ses troupes, des hordes sauvages coloniales, face aux vaillants combattants de Cheikh Bouamama lors de la bataille de Tazina en 1881, période jalonnée par une série de soulèvements périodiques des Ouled Sidi Cheikh. Un procédé dissuasif et une manière pour faire plier la population locale qui n'a jamais cessé de donner du fil à retordre aussi bien à cet officier français qu' à ses fantassins qui entamaient leurs premières pénétrations et incursions dans le sud algérien. Il s'agissait pour ce sanguinaire galonné, aux mains tachées du sang des innocents, de punir avec sévérité les habitants de cette région qui se sont opposés héroïquement à l'occupation coloniale et de pulvériser l'ordre tribal établi en instaurant par la force et dans un bain de sang le désordre colonial. Le Rakb de Sidi Cheikh, cette fête traditionnelle séculaire est devenue une manifestation culturelle inscrite en décembre 2013 par l'Unesco au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Mais qui est donc ce saint homme qui fait encore parler de lui depuis plus de quatre siècles et qui force l'admiration et le respect même de ses farouches et irréductibles adversaires ? Sidi Abdelkader Ben Mohamed, un érudit et philosophe de renom de la confrérie soufie, réputé pour sa sagesse, son humilité, qui a appris le Coran dès l'aube de son adolescence, est né en 1532 dans les hauts plateaux. Il a su marquer son époque et sa glorieuse épopée reste encore à découvrir et mérite de faire l'objet de recherches approfondies. L'on apprend que ce vénéré personnage meneur d'hommes auquel il a été fait appel par ses frères du nord du pays submergés par l'armée espagnole qui pourchassait les Maures expulsés de la péninsule ibérique. Armé de son sabre seulement à la tête de ses cavaliers du sud Oranais, il a été grièvement blessé sous l'aisselle gauche lors d'une bataille livrée à l'occupant espagnol dans la région d'Aïn-Témouchent. D'ailleurs une importante communauté des Bouchikhi ( descendants de Sidi Cheikh ) est encore présente dans cette wilaya. Rapatrié dans un état semi comateux dans sa région natale d'El-Bayadh, il rendit son dernier souffle en 1616 non loin du village de Stitten, aux pieds de la montagne Ksel. Descendant inscrit dans la lignée directe du Khalife du Prophète, AboubakrEs-Seddik, dont il puise sa sainteté et son indiscutable aura, cette sommité inégalable du soufisme est l'unique fondateur de la Tarika Chadhoulya, très répandue à travers tout le Maghreb arabe et la région subsaharienne de l'Afrique, ce qui lui a valu la confiance et le dévouement indéfectible des représentants des 24 tribus de la wilaya d'El-Bayadh et à leur tête celle des Stitten, qui n'ont pu, durant des siècles et quelles que soient les circonstances, se permettre de se priver de rendre annuellement un vibrant hommage à ce saint homme, d'une piété et d'une ferveur incommensurables et dans la plus pure tradition. Un Cheikh qui a mené une existence érémitique couronnée de respect et d'admiration. Ses descendants, les Al-Sid Cheikh, Si Hammou et Si Mahmoud, Mokeddems ( Guides ou chefs spirituels ) incontestés et respectés de la zaouïa de Sidi Cheikh, tiennent fermement à maintenir et à perpétuer ce cycle de traditions et de fêtes séculaires en hommage au saint homme, dont la descendance est plus connue sous l'appellation des Abou-Bekria. Une manifestation culturelle qui s'est ouverte comme à l'accoutumée ce week-end en ce début du mois de juin, peu après la saison des moissons-battages et qui ressemble plus à un pèlerinage qu'à une fête populaire. Trois jours durant lesquels le couscous coule à flots, sous les salves des fantasias dirigées par les cavaliers de la célèbre tribu des Guerraridj, dignes descendants des Ouled N'har de Sidi- Yahya, noble fils de Lalla Sfya, qui donnent à cette manifestation un air de fête populaire aux côtés des cavaliers Khelaifa, Ouled Sidi Khaled fiers de leurs montures pur-sang arabes luxueusement harnachées, drapés de leurs plus chatoyants costumes traditionnels, donnant à chaque salve et tel un seul homme, son véritable cachet de baroud d'honneur.