Après trois semaines de brouille et d'échanges accusateurs, Moscou et Washington ont convenu de reprendre les négociations sur la Syrie. Le premier rendez-vous que se sont fixé à cet effet le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue américain John Kerry a été la réunion qu'ils ont tenue hier à Lausanne et à laquelle ont également pris part les représentants des pays de la région impliqués militairement dans le conflit syrien. Diplomates et experts fondent peu d'espoir sur la reprise des négociations, confortés en cela par le chef de la diplomatie russe qui a déclaré à son arrivée hier en Suisse qu'il « n'attend rien de spécial » de la réunion de Lausanne. Selon les médias venus couvrir la rencontre, celle-ci se serait ouverte dans une atmosphère lourde et tendue. L'ordre du jour de la réunion consistait officiellement en l'examen d'un plan proposé récemment par l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, visant à faire sortir de manière sécurisée les combattants de Fatah El Cham (ex-Front El Nosra, branche syrienne de l'organisation terroriste Al Qaïda) d'Alep. Sachant que les Etats-Unis et leurs alliés au Conseil de sécurité se sont opposés à un projet de résolution russe appuyant justement ce plan, il paraît improbable que les participants à la réunion de Lausanne lui donnent leur aval. Il faut faire remarquer qu'après avoir fait toutes les entraves possibles et imaginables à la matérialisation effective d'un cessez-le-feu à Alep, les anti-régime syrien tentent de faire le pressing pour obtenir que les forces de Damas et celles de son allié russe cessent de bombarder les quartiers de la ville où se trouvent encore les combattants des groupes armés qu'ils persistent à présenter comme appartenant à la prétendue rébellion « modérée ». Ils ont lancé à cet effet une offensive diplomatique et médiatique mettant en avant la situation dramatique à laquelle en est réduite la population civile de ces quartiers du fait des bombardements. Mais en réalité leur pression a pour objectif d'enrayer l'inexorable avancée au cœur de ces quartiers d'Alep et d'éviter à leurs protégés de Fatah El Cham la défaite totale. La reprise d'Alep par le régime de Damas constituerait selon les experts militaires un tournant décisif dans le conflit syrien dont les conséquences en seront qu'il en sortira renforcé et à même d'éteindre graduellement les foyers d'incendie qui subsisteront ailleurs sur le territoire syrien. Bien qu'elles s'en défendent, les puissances anti-régime syrien ne cherchent l'instauration d'un cessez-le-feu que pour sauver la mise à l'organisation terroriste Fatah El Cham qui reste pour eux la seule force combattante disposant de quelques capacités à poursuivre l'exécution du plan qu'elles ont conçu pour la Syrie: celui d'abattre le régime de Bachar El Assad. En même temps qu'elles se démènent en usant de l'argumentaire humanitaire pour arracher au camp de Damas et ses alliés un accord de trêve qui ne serait pas contraignant pour les autres belligérants, et Fatah El Cham en premier, ces puissances refusent avec une mauvaise foi incroyable de considérer celui-ci comme étant une organisation terroriste. Le reconnaître tel reviendrait en effet pour elles à admettre qu'en Syrie elles ne sont pas engagées dans une guerre contre le terrorisme international, mais dans une guerre par procuration contre le régime légal du pays que font pour elles les organisations terroristes telle Fatah El cham. De cette hypocrisie criminelle, elles ne paraissent pas déterminées de s'en départir pour négocier le dossier syrien à partir d'une autre approche que celle de la flagrante et criminelle ingérence et de la connivence avec le terrorisme.