Les greffes rénales à partir d'organes prélevés sur des personnes décédées devront commencer l'année prochaine, a annoncé, hier, dimanche, le Pr Tahar Rayan, un des plus éminents experts algériens en néphrologie, et actuel chef de service Néphrologie au CHU «Nafissa Laliam» de Hussein Dey. Il a expliqué à la radio nationale, alors qu'il y a environ 25.000 malades en attente d'une greffe rénale, que « le gros problème dans l'activité de la greffe rénale, en Algérie, c'est l'absence de prélèvement sur les personnes décédées.» «Les greffes, depuis 30 ans, se font dans des donneurs apparentés, et cela s'explique par la pénurie d'organes », précise-t-il, avant de rappeler que la nouvelle loi sanitaire du 2 juillet 2018 « portant sur l'activité d'organes, a tracé un nouvel horizon. J'espère qu'il y aura un virage important dans les prochaines années, car la nouvelle loi va nous permettre de faire des prélèvements sur les personnes décédées ». La loi n°18-11du 2 juillet 2018, relative à la santé, dispose dans son article 362 de la Section 1 (Dispositions relatives aux prélèvements et à la transplantation d'organes, de tissus et de cellules humains) que « le prélèvement d'organes ou de tissus humains, à partir de personnes décédées, aux fins de transplantation, ne peut se faire qu'après constatation médicale et légale, du décès selon des critères scientifiques définis par le ministre chargé de la Santé. Dans ce cas, le prélèvement peut être effectué si la personne n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus au prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l'inscription sur le registre des refus, tenu par l'Agence nationale des greffes. Les modalités d'inscription sur le registre des refus, sont fixées par voie réglementaire.» L'article 363 stipule qu'il est interdit, de révéler l'identité du donneur décédé au receveur et celle du receveur à la famille du donneur. Le médecin ayant constaté et certifié la mort du donneur, ne doit pas faire partie de l'équipe qui effectue la transplantation. Il est interdit de procéder au prélèvement d'organes ou de tissus, si cela entrave l'autopsie médico-légale.» Le professeur Rayan explique qu'avant, «il y avait l'obligation de l'accord de la famille. La loi actuelle fait du consentement présumé, une personne qui de son vivant n'a pas mis un avis contraire après sa mort, on ne lui demandera pas l'accord de sa famille», relève-t-il, avant de souligner que «la notion de consentement existe, car on demandera toujours l'avis de la famille pour qu'il n'y ait pas de problème.» Pour le Pr Rayan, «cette nouvelle loi a mis en place le registre du refus, c'est-à-dire que tous les gens qui ne veulent pas être prélevés après la mort vont s'inscrire sur ce registre». «Nous avons besoin d'une loi qui nous couvre pour les greffes rénales», précise-t-il, avant de souligner que « cette loi protège les donneurs et le cercle est élargi comme le cousin, la belle famille, les gendres... Cette nouvelle loi permettra d'augmenter le nombre de greffes rénales à partir de donneurs apparentés ». Le Pr Rayan a expliqué, en outre, que «le problème des greffes rénales ne se pose que pour ceux qui n'ont pas de donneurs, et donc cette nouvelle loi a donné un virage très important.» «Il y a un plan organisationnel qui se met en place, et l'année prochaine on va annoncer qu'on va commencer la transplantation à partir de personnes décédées». Selon le Pr Rayan, «il y a eu, cette année, 2 centres qui ont pratiqué plus de greffes que 14 autres centres. Mais, ce ne sera pas n'importe quel chirurgien qui pourra faire la greffe rénale, on va passer à l'aspect qualitatif, et non à celui quantitatif, car on peut faire 1.000 greffes, mais avec des résultats pas probants.» Sur le nombre de greffes rénales réalisées par an, il a estimé que « nous sommes dans les mêmes chiffres que les autres pays, on est à 90-95% de survie après la greffe.» Le Pr Rayan a indiqué, par rapport à la très forte demande de greffe rénale, que «les enfants sont prioritaires pour les greffes.» Il explique la méthode de sélection des personnes devant subir une greffe rénale: «quand il y a des reins sur des personnes décédées, c'est la liste d'attente qui prévaut, il y a le registre national des personnes dialysées, on sélectionne les gens qui peuvent être greffées, avec des critères objectifs. Il n'y a pas de noms, mais des numéros des malades, les enfants sont prioritaires, et les personnes ayant passé beaucoup de temps en dialyse.» Il a, cependant, précisé que «le registre prend en compte les patients avec les personnes vivantes, mais avec les personnes décédées, cela n'a pas commencé en Algérie.» Il a, d'autre part, expliqué que l'Agence nationale des greffes et le ministère de la Santé sont en train « de préparer les centres préleveurs d'organes, c'est-à-dire les 3 centres préleveurs créés par cette agence, soit les CHU de Blida, de Batna et de Bab El Oued. » Le Pr Rayan a également rappelé qu' « il n'y a pas de banque d'organes. Il y a des banques des tissus et des cellules, la conservation se fait, normalement et jusqu'à 48 heures pour les organes ». Le Pr Rayan a critiqué le recours de certains malades aux hôpitaux étrangers, avec des frais exorbitants « pouvant aller jusqu'à 7 millions de DA, alors qu'en Algérie les greffes sont gratuites. » « Elles se font, a t-il dit, exclusivement dans le secteur public pour éviter les dérapages, et nous avons de meilleurs résultats que les Turcs.» «Il faut dire, ajoute-t-il, qu'en matière de transplantation d'organes on a atteint un niveau supérieur à ces pays. »