L'islam de France est-il sorti de l'impasse dans laquelle il se trouve depuis plus d'une décennie avec cet accord des dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM) sur une «charte des principes» qui réaffirme la compatibilité de la foi musulmane avec la République ? Les réactions restent partagées, autant au sein de la mouvance islamiste que les acteurs politiques français, entre ceux qui considèrent que ce pas est important et qu'il est à encourager et ceux qui font la moue ou ne croient pas à un islam conciliable avec les valeurs de la République française. On sait que le projet de cette « charte des principes de l'islam de France », a créé une crise au sein du CFCM, conduisant Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, à claquer la porte le 30 décembre dernier, décidant de geler tous les contacts avec l'ensemble de la composante islamiste du CFCM. D'autres membres non moins influents, à l'image de l'imam à Villeurbanne et porte-parole du Conseil théologique des imams du Rhône, Azzedine Gaci, parlaient carrément d'un projet mort-né. Mais, au bout du compte, il y a eu un accord sur la charte en question, qui a été soumise au ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lequel a salué une «avancée très significative», en attendant qu'elle soit présentée au président Emmanuel Macron après son approbation par toutes les fédérations qui composent le CFCM. Une approbation qui conduirait dans une deuxième phase à la création d'un Conseil national des imams (CNI). Et c'est à ce niveau que la situation se complique davantage, en raison des courants d'influence de pays étrangers notamment, qui perdraient leur autorité sur les fidèles si jamais un tel projet se concrétise. Car, le Conseil national des imams sera chargé de la formation et de la délivrance d'agréments aux imams au vu de leurs connaissances et de leur engagement à respecter un code de déontologie. Donc, plus d'imam autoproclamé ou missionné par tel ou tel pays à prêcher dans les mosquées en France, comme le veut l'esprit et la lettre de ce projet de création du CNI, initié par l'Elysée dans le cadre de son projet de loi contre l'islam radical et les « séparatismes ». Même si elle cherche encore une adhésion de toutes les fédérations du CFCM, la France officielle semble séduite par l'accord sur la charte des principes de l'islam de France, qui prévoit notamment de « consacrer l'égalité homme-femme, le rejet de l'instrumentalisation de l'islam à des fins politiques, la non-ingérence des Etats dans l'exercice du culte musulman en France et le rejet de certaines pratiques coutumières prétendument musulmanes ». Soit les sacro-saints principes de la laïcité. Fini le financement des lieux de culte et l'envoi des imams par les pays musulmans ? Toute cette organisation qui se met en place devrait réduire au maximum, voire défaire, toute ingérence étrangère dans l'exercice du culte musulman en France, mais pourra-t-elle éviter de toucher à la liberté des musulmans elle-même ? Sans parler de cet islam radical qui a été nourri par la mal-vie des banlieusards et le sentiment d'exclusion en général, loin de toute influence étrangère, donc, qui échappe pratiquement à tout contrôle et auquel il faudrait trouver des réponses internes. Macron réussira-t-il là où tous ses prédécesseurs ont échoué ?