Le 2 avril passé a eu la journée mondiale de sensibilisation á l'autisme. L'Algérie, comme le reste du monde, a marqué cette journée par l'organisation des colloques á Alger et á Tlemcen auxquels ont participé des spécialistes algériens et français. Le but visé a été d'informer le grand public sur les réalités de ce trouble de développement. Une commission nationale sera chargée à l'élaboration d'un plan national autisme en application des directives du président de la République. Ce plan sera appliqué en 2017 selon le ministre de la santé, Abdelmalek Boudiaf. Mostaganem mérite d'avoir son centre qui traite ce handicap et il serait temps que les responsables locaux prennent des décisions allant dans ce sens afin de soulager un nombre important de familles qui ne savent pas où s'adresser. L'autisme est très présent dans nos sociétés dans la mesure où ça touche 1 sur 150 personnes selon des statistiques apparues en Europe et aux Etats-Unis. L'Algérie avec ses 40 millions d'habitants aurait donc plus de 260000 cas. En Algérie nous n'avons pas des données précises mais l'on relève que quelques 39000 autistes ont été recensés en Algérie, selon le ministère de la Solidarité nationale. Certains parlent de 80000 cas. Définition L'autisme n'est pas une maladie, comme le décrivent, á tord, certains pédopsychiatres, mais plutôt un trouble de développement ou neuro-développemental aux origines génétiques qui apparait autour de deux ans ou même avant. L'autisme est caractérisé par des troubles qui touchent notamment les interactions sociales, la communication verbale et non verbale et le comportement avec des gestes répétitifs, des réactions stéréotypées et des intérêts anormalement restreints. Il n y a pas un autisme mais des autismes d'où l'appellation ASD« Autism Spectrum Disorder » ou TSA (Troubles du Spectre Autistique). Cette nouvelle appellation englobe tous les autres types d'autisme notamment le Syndrome d'Asperger et le Trouble Envahissant du Développement (TED) parmi tant d'autres. Le Syndrome de Rett n'en fait plus partie. Diagnostique Les premiers signes sont souvent observés par les parents et notamment la mère qui voit dans son enfant des attitudes et des comportements atypiques et différents d'autres enfants de même âge. Les enseignants ont également un rôle à jouer dans cette observation. Techniquement, il faut une équipe de professionnels (psychologue, pédopsychiatre, orthophoniste, psychomotricien (enne)) qui utilisera différents tests normalisés pour poser un diagnostic de TSA. Selon le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual for Mental Disorder), un manuel américain qui sert actuellement comme référence pour diagnostiquer les troubles mentaux détermine les critères pour diagnostiquer le TSA. Ces critères sont généralement liés á la difficulté de communiquer, problèmes d'interactions sociales, comportements répétitifs, résistance aux changements et intérêts très limités. Il faut noter qu'il n'existe pas de troubles autistiques typiques. Les symptômes varient de légers à sévères et qui peuvent altérer d'une façon significative le fonctionnement social et scolaire et le développement cognitif. Les outils existants de diagnostic précoce : Les outils de diagnostique sont presque inexistants en Algérie, car pour qu'un outil d'évaluation soit valide, il faut qu'il soit adapté aux normes sociales et linguistiques de la culture du patient. Même la France est pauvre dans ce domaine. L'évaluation est souvent basée sur l'observation et quelques tests ayant des normes standardisées. Tous les outils existants actuellement sont développés par les pays anglo-saxons et sont formulés en langue anglaise. Une adaptation en Algérie de ces outils au niveau socioculturel et linguistique est plus que nécessaire pour poser un diagnostic crédible. Les outils les plus utilisés sont : - Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS) - Autism Diagnostic Interview-Revised (ADI-R) - Checklist for Autism in Toddlers (CHAT) - M-CHAT (outil de dépistage pour une détection précoce de l'autisme) - Childhood Autism Rating Scale (CARS) Traitement de TSA. Il est couramment recommandé que la prise en charge des personnes autistes soit précoce pour assurer un meilleur résultat. En général, le traitement repose sur trois grands volets concentrés sur : éducatif avec pour objectif l'autonomie du sujet, pédagogique avec pour objectif les apprentissages et thérapeutiques avec pour objectif la santé mentale et physique du sujet. Comme pour le diagnostique le traitement nécessite l'intervention d‘une équipe multidisciplinaire et la thérapie doit suivre un plan individualisé selon le type des symptômes. Les approches thérapeutiques sont multiples dans le monde. Là aussi, les pays anglo-saxons, notamment les Etats-Unis et le Canada ont une grande longueur d'avance sur nous. La France n'est pas plus avancée que l'Algérie sur le plan de prise en charge de TSA. Certains psychologues français continuent de favoriser la théorie freudienne et lacanienne selon laquelle l'autisme n'est que la conséquence d'une rupture précoce de relation mère –enfant, infligeant ainsi la responsabilité à la mère. Pour eux, la préférence thérapeutique va á l'approche psychanalytique, une méthode controversée et complètement dépassée. L'approche anglo-saxonne, en revanche, privilégie le behaviourisme, autrement dit, la méthode comportementale. On note ainsi l'analyse appliquée au comportement ou méthode Lovaas appelée ABA (Applied Behavior Analysis.) C est l'une des thérapies la mieux documentée à ce jour et qui a plus de succès dans le monde pour le traitement de l'autisme. Son objectif est de permettre á l'enfant autiste d'acquérir de nouveaux comportements tels qu'apprendre à parler, à jouer, à interagir avec les autres et de réduire les comportements inappropriés, telles que les colères ou l'automutilation pour parvenir á l'autonomie. Pour réussir cette méthode il faut l'intervention d'une équipe multidisciplinaire et l'engagement des parents. Elle nécessite une stimulation de 20 á 40 heures par semaine. Il y a aussi la méthode TEACCH (Treatment and Education of Autistic and Related Communication Handicapped Children) qui repose sur le principe qu'il faut adapter le milieu d'apprentissage à l'enfant autiste surtout dans les classes et á la maison pour que l'enfant ait accès d'une façon autonome. Contrairement à la méthode ABA qui favorise l'acquisition de nouveaux comportements par la répétition, cette méthode apprend á l'enfant à généraliser le concept acquis surtout dans le milieu scolaire. Prise en charge en Algérie des autistes : Ecarter l'option française. En Algérie, nous sommes très en retard en matière de prise en charge de ces enfants et il est temps que l'Etat prenne ses responsabilités pour faciliter l'actualisation de ce plan national autisme pour soulager de nombreuses familles algériennes qui ne savent pas où s'adresser. Actuellement il y a quelques centres privés dispersés et non organisés dans le territoire national qui font un travail de proximité, mais qui manquent de beaucoup de moyens. Pour être efficace et gagner du temps, il faut d'abord s'approcher des pays les plus avancés en matière de prise en charge tels que la Belgique, l'Italie et surtout le Canada. Il faut écarter l'option française si nous voulons rattraper le retard. Selon certains observateurs français, la France accuse un retard de 40 ans par rapport á ses voisins et à ce qui se fait aux Etats-Unis et le Canada. Le Conseil de l'Europe a condamné pour la 5ieme fois, en 2014, la France pour ne pas avoir respecté le droit des personnes avec autisme à recevoir une éducation en vertu de la Charte sociale européenne. Donc pour aller plus vite et plus efficace, l'Algérie doit écarter la France pour développer son plan.
Quelle est la démarche à suivre D'abord il faut organiser ce qui existe dans différentes régions du territoire algérien pour coordonner les efforts des associations et maximiser leur rendement thérapeutique au niveau national. Le plan en question doit être multi- sectoriel auquel il faut impliquer : -Le ministère de la santé pour le dépistage et le traitement. -Le ministère de l'enseignement supérieur pour la recherche dans le domaine de l'autisme et la formation des spécialistes (Psychologues, Pédopsychiatres, Orthophonistes, Psychomotriciens (ennes)) -Le ministère de l'éducation pour créer les conditions d'accueil adéquates des enfants autistes et l'accommodation des programmes d'enseignement á ces enfants. -Le ministère de la solidarité nationale et de la famille pour coordonner des actions de traitement entre les professionnels et les familles, notamment les parents. Pour piloter tout ça, il faut créer un centre dans chaque Wilaya qui sera chapoté par un centre national multi-ministériel à Alger. Comme je l'ai mentionné plus haut, la méthode thérapeutique la plus efficace est la méthode comportementale (Behaviorisme) basée sur l'acquisition de nouveaux comportements. Pour cela, il faut établir des liens avec des centres d'autres pays qui appliquent cette approche. Autisme Montréal (http://autisme-montreal.com/) et « Geneva Centre for Autism » à Toronto, Canada (http://www.otf.ca/geneva-centre-autism) sont des centres qui ont une réputation mondiale en matière de formation et de recherche sur l'autisme. Il y a aussi certains centres en Belgique auxquels il faut se référer (http://www.inforautisme.be/03bel/type_services.htm). Par ailleurs, certains pays arabes tels que le Qatar et la Jordanie ont adopté l'approche behaviouriste. Il serait donc intéressant de les approcher pour bénéficier de leur expérience et en même temps adopter la terminologie arabe utilisée dans le testing et le traitement. (*) Psychomètre et Conseiller en psychoeducation avec RCDSB ( Renfrew County District School Board) , Ministry of Education of Ontario, Canada.