Un rassemblement pour la "réhabilitation totale" du champion du monde de Kick Boxing, Zakaria Moumni, enlevé en 2010 puis incarcéré sans jugement au Maroc avant d'être gracié deux ans après, s'est tenu samedi devant l'ambassade du Royaume à Paris, a-t-on constaté. Aux cris de "Assez de misère, assez de répression, liberté et démocratie pour le peuple marocain" et "Libérez les prisonniers politiques et syndicaux au Maroc", les manifestants ont bravé le froid pour s'en prendre au "régime du Mekhzen" qu'ils accusent de tous les maux dont "la privation des droits fondamentaux". Devant l'entrée principale de la représentation diplomatique du Maroc, de larges banderoles ont été déployées et sur lesquelles on pouvait notamment lire "Droits de l'homme au Maroc : jugeons les bourreaux, liberté pour tous les prisonniers politiques et d'opinion", "Justice pour Zakaria Moumni, torturé sous les ordres de Mohamed VI" et "Kidnappé, séquestré, torturé, emprisonné, menacé et après ?". Prenant la parole devant l'assistance, le président de l'Association de défense des droits de l'homme au Maroc, Ayad Ahram, a signalé que ce rassemblement se tient au moment où le roi du Maroc effectue une visite aux Etats-Unis. "Zakaria Moumni a été certes gracié, mais non encore réhabilité. Parce qu'il a été incarcéré et torturé sous les ordres du Roi, son épouse et lui ont adressé une lettre au président Obama lui demandant que justice soit faite", a-t-il indiqué. Vêtu d'une combinaison de détenu, yeux bandés, mains et pieds enchaînés, Zakaria Moumni a rappelé la genèse de son arrestation, les "privations" et la "torture" qu'il affirme avoir endurées lors de son incarcération, réclamant sa "réhabilitation totale". "Un membre du service du renseignement est venu me voir en prison deux mois avant ma libération, pour que je demande à mon épouse de lever le pied sur les médias et les Ong, en contrepartie de la grâce royale", a-t-il témoigné. "Aujourd'hui, je voudrais que mes bourreaux (je suis prêt à les reconnaître) soient traduits devant la justice. Pire, ces derniers m'ont affirmé qu'ils avaient agi sous les ordres du Roi", a-t-il ajouté, réclamant, comme le stipule la Convention des Nations unies des droits de l'Homme que la Maroc a signée, une "réhabilitation totale". "Il faut que tout le monde sache, le Roi en premier, qu'on se fait torturer dans son pays et à côté de chez lui, la prison de Temara n'étant qu'à cinq minutes d'une de ses résidences", a-t-il affirmé, la voix portée par un mégaphone. Pour Annie Delay, représentante d'Amnesty International et coordinatrice pour le Maroc et le Sahara occidental en France, le cas Moumni est "important" parce qu'il "n'a pas eu droit à un procès équitable, et parce qu'il a été torturé". "Le Maroc est partie à la Convention internationale de l'ONU pour les droits civils et politiques, et en tant que tel, il est tenu d'assurer aux justiciables des procès équitables", a-t-elle indiqué à l'APS. "Il est impensable d'obtenir des aveux sous la torture et de les utiliser comme pièce d'accusation. Moumni n'est pas le seul cas au Maroc, il y a aussi les Sahraouis qui sont victimes de procès inéquitables", a-t-elle ajouté, signalant que le cas Moumni relève de deux sortes de "violations des droits humains : la torture et l'injustice". Le jeune marocain a été enlevé le 27 septembre 2010 à l'aéroport de Rabat à sa descente de l'avion en provenance de Paris où il vit depuis plusieurs années avec sa femme. Il a été conduit discrètement, les yeux bandés, au centre de torture de Temara où il a subi les pires sévices. Sous la torture et les yeux toujours bandés, Zakaria a signé des documents qui vont le faire condamner dans un procès jugé expéditif, tenu le jeudi 30 septembre 2010 sans avocat, ni témoins, dans une salle quasi vide. Il sera condamné pour "escroquerie" à trois ans d'emprisonnement. Sous la pression de la FIDH, de Human Rights Watch, d'Amnesty International ainsi que d'un grand nombre d'organisations de défense des droits de l'Homme, regroupées dans un comité de soutien à Paris, il a vu sa peine passer de deux ans et six mois à 20 mois. Ces organisations avaient demandé sa libération tout en condamnant cette procédure judiciaire jugée "arbitraire et les tortures qui lui étaient infligées". Zakaria a finalement été gracié le 4 février 2012 sous la pression des organisations internationales de défense des droits de l'homme et des médias. Après sa libération, il n'a eu de cesse de réclamer sa réhabilitation et de demander à ce que les responsables de son enlèvement, des tortures qu'il a subies et de sa détention illégale soient traduits devant la justice. Il dit "constater avec amertume que tous les contacts au plus haut niveau qu'il a pu avoir avec les officiels marocains sur ce sujet sont restés vains".