Treize conserveries privées et étatiques sont à l'arrêt à l'est du pays. Ce problème perdure depuis plusieurs années. Pouvez-vous nous faire le point de la situation, aujourd'hui, en votre qualité de porte-parole des conserveurs de l'est du pays ? Le problème est très sérieux et date de la décennie écoulée sans qu'aucune mesure n'ait pu mettre fin à cette perte considérable de toute une chaîne de conserveries qui prenait en charge, jadis, tous les besoins de la région est en matière de transformation de produits agricoles. La situation actuelle est plus compliquée que jamais puisque ces industries sont toujours à l'arrêt, mettant ainsi en péril le produit agricole algérien. Flash-back. Cette situation, faut-il le préciser, est imputable à la perte de change dans les années 1990 qui a entraîné un important préjudice sur le capital investissement injecté par les opérateurs. Ces derniers ont subi de plein fouet les conséquences du taux appliqué sur le crédit d'exploitation, fixé alors entre 23 et 17%. Depuis, la santé financière des conserveries ne cesse de se dégrader au fil du temps, amenant certains opérateurs à mettre la clé sous le paillasson. A cette proportion appliquée sur le crédit d'exploitation s'ajoutent les 10% de marge bénéficiaire imposés à ces industriels. La volonté de reprise a été étouffée des suites d'un manque important de financement aussi bien pour les crédits de campagne que pour les crédits d'investissement. Les subventions accordées par l'Etat, appliquées depuis maintenant deux années, sont insignifiantes. Parallèlement à cette situation, caractérisée surtout par l'abandon du tissu industriel national, on a privilégié la politique de l'importation sauvage des produits alimentaires, y compris une grande partie du double concentré de tomate alors qu'on aurait pu éviter son importation en valorisant le produit et l'appareil productif nationaux. Résultat : la facture alimentaire a atteint une nouvelle fois des proportions alarmantes. Une commission mixte, regroupant des représentants des ministères de la PME-PMI et des Finances, a été instituée afin d'y remédier. Vous avez aussi saisi les instances concernées à maintes reprises. Y a-t-il un espoir qui pointe à l'horizon pour venir à bout de cette crise ? A propos de cette commission, nous espérons d'abord qu'une issue à la crise crise interviendra le plus tôt possible afin de relancer notre agriculture et l'industrie qui assure la transformation. Les capacités de production de cette industrie étaient évaluées à 100 000 tonnes de tomate entre 2000 et 2002, mais on ne produit actuellement que 40 000 tonnes des suites de cette crise qui la ravage. Il faut que vous sachiez que les conserveurs, regroupés dans un collectif, ont saisi officiellement les ministères de la tutelle, à savoir le département des PME-PMI et de l'Artisanat, celui de l'Agriculture ainsi que le Forum des chefs d'entreprises (FCE) et la Confédération algérienne du patronat (CAP). Nous comptons saisir aussi le chef de l'Etat lors de sa prochaine visite dans la wilaya de Annaba. Il faut dire que la situation est catastrophique et ne doit laisser aucune marge d'indifférence aux concernés ainsi qu'aux instances de l'Etat. Les agriculteurs et les industriels se demandent qui en profite si cette situation perdure. Vous avez tenu récemment une réunion avec les conserveurs de l'Est concernés. L'ordre du jour était l'examen de la situation. Quels ont été les résultats de cette réunion ? Autrement dit, avez-vous décidé d'une action afin de persuader les pouvoirs publics à initier un dispositif de sauvetage des industries en difficulté ? Effectivement, le but recherché est de persuader les pouvoirs publics à mettre en place un dispositif de soutien qui permettra aux agriculteurs et aux transformateurs de relancer l'activité de la filière de la tomate, dont la majorité des unités sont actuellement à l'arrêt et fortement déstructurées financièrement en raison de leur surendettement auprès des banques. Lequel surendettement est lié, faut-il le préciser, aux taux d'intérêts excessifs appliqués sur le crédit d'exploitation depuis 1990 à ce jour, fixés à 17, 23 et 24%. La perte de change durant cette décennie est venue gonfler davantage et de manière colossale les dettes de ces conserveries. Néanmoins, les dettes des conserveries du secteur public étaient totalement effacées et prises en charge par le Trésor public, tournant carrément le dos au secteur privé et balayant d'un revers de main ses doléances qui remontent déjà à plusieurs années. Les 13 conserveries fermées ont nécessité chacune un investissement d'environ 200 milliards de centimes. Ces industries peuvent employer à temps plein ou partiel autour de 150 000 personnes en amont et en aval. Ainsi, des milliers d'agriculteurs se trouvent pénalisés et plusieurs emplois sont également perdus depuis la fermeture, l'une après l'autre, de ces treize industries qui étaient pourtant en mesure de relever le défi de l'exportation. Quelles sont les solutions que vous proposez et qui serait capable de sortir les treize conserveries en difficulté de cette situation ? Les conserveurs proposent aujourd'hui une approche simple qui peut s'articuler autour de deux axes : l'un repose sur le concours du gouvernement et ce, par des mesures concrètes de redressement et d'accompagnement, alors que l'autre s'appuie sur le soutien des banques en finançant l'investissement et la reprise de l'activité. Les mesures de redressement et de sauvetage consistent à effacer, au même titre que ce qui s'est fait pour le secteur public, les dettes des conserveries générées par les pertes de change. Nous suggérons aussi la consolidation de la dette interne par l'élaboration d'un échéancier de paiement à long terme, le rééchelonnement de nos dettes sociales et parafiscales. De quelle manière le soutien financier peut-il intervenir à l'avenir ? Nous proposons un modèle simple : l'octroi de crédits d'exploitation et de campagne 2009-2010 avec bonification des taux d'intérêts et en temps opportun, c'est-à-dire avant le début de la campagne, en avril et mai. Il faut dire que le financement par les banques de crédits de campagne s'est asséché depuis maintenant six ans, excepté deux à trois unités qui continuent à en bénéficier. Nous suggérons aussi au gouvernement de mettre en place un dispositif de soutien à la transformation de la tomate industrielle par l'octroi d'une subvention de 3 DA aux transformateurs et de 7 DA aux agriculteurs.