L'opinion publique et les médias nationaux sont suspendus à la bouche de sa majesté Bouteflika depuis quelques jours. Non pas pour le voir déclarer enfin sa candidature, comme s'il restait une once de doute après la trituration constitutionnelle du 12 novembre 2008. Mais juste pour donner une solennité à un non-événement faute de mieux. Or, la question qui coule de source est celle de savoir qui pourrait donner la réplique à Bouteflika ? On le sait, candidat, on le sait soutenu par tous les thuriféraires du régime, comme on sait aussi que l'administration roulerait pour lui. Ses partisans qui brandissent fatalement le fameux « si ce n'est pas lui, qui pourrait gouverner ce pays ? » n'ont, hélas, pas tout à fait tort. Bouteflika réussit à faire parler de lui et à occuper le débat politique même en son absence… En face, c'est vraiment le désert. Le président candidat n'est même plus obligé, ne serait-ce que moralement, de livrer bataille dès lors que ses opposants de salon préfèrent le confort du silence. Où sont donc les Aït Ahmed, Hamrouche, Mehri, Malek, Benflis, Benbitour et apparentés ? C'est un terrifiant constat de carence que les Algériens font du personnel politique, réduit à assister à des séminaires ou à faire des incursions dans les cimetières quand un ami vient à trépasser. Il est bien sûr politiquement très commode de soutenir que la fermeture de l'espace médiatique empêche toute activité d'opposition pour se dédouaner de son devoir de rester aux côtés de leur société. En la matière, la désertion politique de Ali Benflis depuis 2004 est un cas d'école. L'adversaire invétéré de Bouteflika observe une réserve incroyable, à croire qu'on lui a intimé l'ordre de se taire. Mouloud Hamrouche lui aussi s'est mis en mode « inactif » oubliant que c'est peut-être sa dernière opportunité avant sa retraite. Ahmed Benbitour semble se (com) plaire dans son rôle de professeur d'économie qui étale sa science dans les journaux, alors que celle-ci aurait pu servir de contre-programme à celui de Bouteflika. L'homme préfère néanmoins réfléchir à l'après-élection… Opposition par défaut Et si l'on ajoute le boycott, inactif également, de Saïd Sadi, l'auto-démission de Rédha Malek, il serait politiquement incongru de jeter la pierre à Bouteflika. Après tout, il n'est pas responsable de leur silence. Et ce ne sont pas les arguments politiques, économiques et diplomatiques qui font défaut pour lui apporter la contradiction. Le fait est que nos hommes politique semblent tellement tétanisés par le rouleau compresseur de Bouteflika qu'ils rechignent à mener campagne contre lui, même s'ils ne sont pas candidats. Aucune initiative politique n'est échafaudée pour servir d'alternative ou tout au moins structurer le débat d'opposition. Seul le général Rachid Benyelles a ce mérite de dire ce qu'il pense et même de proposer une sorte de plan de sortie de crise. Son discours semble tomber dans les oreilles d'une opposition sourde. Y a-t-il donc un opposant dans le coin ? Le fatalisme politique s'est dangereusement installé parmi nos élites, au moment où le bilan de Bouteflika offre tous les ingrédients pour concevoir une alternative sérieuse et crédible que la rue saisira sans doute au vol. C'est donc une image d'une opposition par défaut qu'offrent nos hommes politiques aux formules chantantes sur la démocratie, les droits de l'homme et la lutte contre la corruption. Il s'agit aujourd'hui de « mouiller le maillot » et non d'attendre un hypothétique parrainage comme au bon vieux temps. A quoi servirait un homme politique portant l'estampille d'« opposant » s'il devait être adoubé par ce même système, en effet ? La question de fond est là et non dans le faux suspense sur la date des élections ou encore quand Bouteflika annoncera sa candidature. Au final, le président candidat sera forcément mal réélu et l'opposition prise en flagrant délit de fuite de ses responsabilités.