L'aviation israélienne a repris hier au petit matin le bombardement «intensif» dans la banlieue sud de Beyrouth, un bastion du Hezbollah, a indiqué Al Manar, la chaîne de télévision du parti chiite libanais. Le siège de cette chaîne de télévision a été également bombardé par l'aviation israélienne. Mais Al Manar a repris sa diffusion, selon Al Jazeera, permettant ainsi au leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, de s'adresser, en fin d'après-midi d'hier, aux Libanais qui subissent le cinquième jour du déluge de feu. Nous allons utiliser tous les moyens» dans la confrontation avec Israël, a déclaré le chef du Hezbollah, ajoutant : «Puisque l'ennemi n'a plus de ligne rouge, nous n'avons plus de ligne rouge non plus». «Les peuples arabes et islamiques ont une occasion historique d'infliger une défaite à l'ennemi sioniste (…) Nous en donnons l'exemple. Le Hezbollah ne livre pas bataille pour le Hezbollah ni même le Liban mais pour la nation islamique», a-t-il déclaré démentant les allégations israéliennes, selon lesquelles une centaine de militaires iraniens auraient aidé le Hezbollah à attaquer vendredi un bâtiment de la marine israélienne. Nasrallah a ainsi indirectement répondu aux reproches du chef de la diplomatie saoudienne, qui a qualifié les attaques du Hezbollah et la capture de deux soldats israéliens d'actes «inappropriés et irresponsables», lors de la réunion des ministères des Affaires étrangères arabes samedi au Caire. Le chef du Hezbollah a également déclaré que ses hommes avaient «hâte» d'affronter les forces israéliennes en cas d'éventuelle offensive terrestre, promettant des «surprises». Les perspectives d'une offensive terrestre évoquée par Israël a été justifiée par l'Etat hébreu après l'attaque à la roquette, qui a visé dimanche en fin de matinée la ville de Haïfa, troisième ville d'Israël, faisant au moins huit morts, selon des sources israéliennes. L'attaque revendiquée par le Hezbollah a ciblé le port, la raffinerie et la gare ferroviaire de Haïfa, située à 35 km au sud des frontières avec le Liban. Israël a annoncé une riposte sévère. Le chef du Hezbollah a déclaré que le bombardement de Haïfa «n'était que le début» et affirmé que son mouvement poursuivrait la confrontation aussi longtemps que l'offensive israélienne continuerait. L'attaque de Haïfa est la plus meurtrière du Hezbollah sur le sol israélien. Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a averti que les conséquences en seraient «considérables». Le chef du commandement du nord d'Israël a demandé à la population du Sud-Liban d'évacuer la zone prévoyant d'attaquer «lourdement» le Liban. Selon un général israélien, des commandos terrestres sont entrés sur le territoire libanais. Une information démentie par le Hezbollah, qui affirme avoir repoussé cette tentative d'incursion, faisant exploser un bulldozer qui ouvrait la voie aux troupes israéliennes. Les dirigeants israéliens ont accusé la Syrie et l'Iran d'avoir fourni les armements qui ont permis au Hezbollah d'attaquer Haïfa. Damas a répondu en mettant en garde l'Etat hébreu contre toute attaque qui pourrait le viser. «Toute agression contre la Syrie sera suivie de représailles fermes et directes, dont la durée et les méthodes n'auront pas de limites», a déclaré le ministre de l'Information, Mohsen Bilal, à l'agence de presse syrienne officielle. L'Iran a déclaré se tenir «aux côtés du peuple libanais», avertissant qu'Israël aurait des «pertes inimaginables» s'il attaquait la Syrie. Le mouvement Amal du président du Parlement Nabih Berri a annoncé hier la création d'un comité opérationnel commun avec le Hezbollah. Les bombardements israéliens ont redoublé d'intensité dans tout le Liban hier. Le bilan de l'agression israélienne jusqu'à dimanche soir s'est encore alourdi : 41 morts, presque tous des civils, ce qui porte à 148 le nombre de tués en cinq jours. Huit Canadiens ont été tués hier dans le sud du Liban, a déclaré le ministre canadien des Affaires étrangères, Peter McKay, à la chaîne de télévision CTV. Durant la journée d'hier, le bombardement intensif de la banlieue sud de Beyrouth s'est poursuivi. Selon Al Manar, les avions israéliens ont bombardé un pont reliant l'entrée est de la capitale libanaise à l'aéroport de Beyrouth, situé au sud du bastion du Hezbollah. C'est la deuxième fois en 48 heures que ce pont est la cible des missiles israéliens. D'importants dégâts ont été occasionnés au pont et aux immeubles avoisinants. Les frappes ont également visé des immeubles résidentiels dans les quartiers de Haret Hreik et de Bir Al Abed où le Hezbollah a installé ses principales permanences, a-t-on ajouté de même source. Au moins seize civils libanais ont été tués dans le bombardement de la ville de Tyr par l'aviation israélienne, ont rapporté des témoins. La plupart des victimes auraient péri dans une frappe contre un bâtiment utilisé par les membres de la Protection civile dans cette ville du sud du Liban. Selon la police libanaise, un missile tiré par un hélicoptère israélien a touché les bureaux du ministre de l'Energie et des Ressources hydrauliques, Mohammad Fneich, à Tyr. Ce ministre est membre du Hezbollah. Il s'agit du premier bombardement qui a visé la ville même de Tyr depuis le déclenchement mercredi de l'offensive israélienne contre le Liban. Jusque-là, l'aviation israélienne avait concentré ses tirs sur les villages avoisinants. Elle avait notamment tué six civils dans des raids menés dans deux villages voisins. Au total, 27 civils auraient perdu la vie au Sud-Liban. Presque tous ont été retrouvés sous les décombres de leurs maisons détruites par l'aviation israélienne. Ces attaques se sont produites alors que le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, est arrivé à Beyrouth pour témoigner «son soutien et sa solidarité» au Liban. Il doit rencontrer le Premier ministre, Fouad Siniora, et le président du Parlement, Nabih Berri. Une délégation des Nations unies, arrivée dimanche soir à Beyrouth, a entamé une réunion avec le Premier ministre libanais, Fouad Siniora. La délégation onusienne, dirigée par le conseiller de Kofi Annan pour les affaires politiques Vijay Nambiar, comprend également Terje Roed-Larsen, l'émissaire de M. Annan, chargé du suivi de l'application de la résolution 1559 de l'ONU, qui exige le désarmement du Hezbollah. Le but de la mission est de tenter d'obtenir un cessez-le-feu. Fouad Siniora a appelé samedi soir à «un cessez-le-feu immédiat et global au Liban sous l'égide de l'ONU». Israël, qui a refusé de recevoir la mission de l'ONU, a posé vendredi trois conditions pour un cessez-le-feu au Liban : la libération des deux soldats capturés par le Hezbollah, l'arrêt des tirs de roquettes et l'application de la résolution 1559. Le ministre libanais de l'Energie, Mohammad Fneich – principal représentant du Hezbollah au gouvernement – a insisté sur «deux points essentiels : un cessez-le-feu inconditionnel et l'échange des prisonniers». Les premières opérations d'évacuation de ressortissants étrangers ont débuté hier. Un hélicoptère avec à son bord des personnels de l'ambassade américaine et des citoyens américains nécessitant des soins médicaux a décollé du Liban pour Chypre. Un ferry grec affrété par la France devrait arriver aujourd'hui après-midi à Beyrouth.