La quatrième journée nationale de mobilisation du mouvement social des «gilets jaunes», qui a eu lieu hier, a plongé la France dans une atmosphère insurrectionnelle. Par crainte de revivre les graves violences de la semaine dernière, le gouvernement français a mobilisé environ 89 000 membres des forces de l'ordre, dont au moins 8000 ont été déployés à Paris. Ceux-là étaient non seulement appuyés par des canons à eau de la police, comme à l'accoutumée, mais aussi par des blindés de la gendarmerie afin de mieux contenir les foules et assurer la sécurité des lieux de pouvoir, comme le palais présidentiel de l'Elysée et l'Assemblée nationale, mentionnés sur les réseaux sociaux parmi les cibles potentielles des manifestants les plus radicaux. Plusieurs autres mesures d'exception ont été également prises par les autorités pour faciliter le contrôle sécuritaire de la capitale française : annulation des événements sportifs et culturels, suspension de plusieurs lignes de bus et de métro, fermeture des commerces dans les zones où il y avait un risque d'émeutes (Champs-Elysées, place de la Bastille, place de la Concorde, etc.) ; même la tour Eiffel était interdite d'accès au public pour éviter d'éventuelles dégradations, telles que celles subies par l'Arc de Triomphe lors des manifestations du 1er décembre. Hier, pour les protéger, les deux monuments ont été complètement encerclés par les véhicules des forces de l'ordre. Contrairement à leur attitude défensive adoptée jusque-là, les brigades antiémeute ont été très offensives et n'ont laissé aucun répit aux «gilets jaunes», même les plus pacifiques. Au niveau de tous les points de rassemblement, parisiens et régionaux, les CRS les aspergeaient d'eau, de gaz lacrymogènes et même de tirs de flash-ball à chaque fois que les «gilets jaunes» essayaient de se regrouper pour exprimer leurs revendications. Cette nouvelle stratégie, considérée trop répressive, a été critiquée par l'opposition. «Gazages provocateurs à Paris. La consigne est-elle de créer des violences ?» s'est demandé Jean-Luc Mélenchon sur Twitter, ajoutant plus tard : «A Marseille, le maintien de l'ordre consiste à créer le désordre et les agressions contre des manifestants pourtant mains en l'air.» Dans le même sens, Benoît Hamon, président du parti de gauche Générations, a évoqué une «stratégie de la tension propagée par le gouvernement». Or, Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, a défendu ses choix et salué des «fonctionnaires qui font leur travail. Et qui interpellent des casseurs». Quant à son secrétaire d'Etat, Laurent Nunez, il a expliqué que le dispositif mobile mis en place «s'adaptait aux lieux où se positionnent les fauteurs de troubles». Selon eux, l'impressionnant dispositif policier aurait permis de procéder à plusieurs centaines d'arrestations dites préventives (près de 1000 au moment où nous mettons sous presse, dont plus de 670 à Paris). Néanmoins, cela n'a pas empêché des milliers de «gilets jaunes», presque autant que le samedi précédent, de poursuivre leurs actions à Paris et dans les grandes villes de province (Marseille, Nantes, Lille, etc.). Après quatre semaines de mobilisation, ils comptent maintenir leur bras de fer avec le gouvernement, malgré la suspension de la hausse des taxes sur les carburants qui a été à l'origine de leur révolte. Désormais, les «gilets jaunes» demandent l'augmentation immédiate du salaire minimum garanti et le rétablissement de l'impôt sur la fortune pour les plus riches. Certains d'entre eux exigent même la démission du président Emmanuel Macron dans la mesure où il refuse toujours de les recevoir ou d'ouvrir un dialogue direct avec eux. Selon ses conseillers, le Président devrait faire un discours au cours de la semaine, qui sera consacré exclusivement à la crise liée au mouvement des «gilets jaunes».