En parcourant dernièrement les colonnes d'un titre national, je fus apostrophé par le ras-le-bol d'un citoyen interpellant le premier magistrat de la commune sur l'état de décrépitude dans lequel se trouve le quartier Sfindja (ex-Laperlier). C'est dans un décor dépenaillé que le plaignant dépeint sa cité qui « fait pleurer ceux qui l'ont connue au temps de sa splendeur », écrit-il non sans le haut-le-cœur surtout, poursuit-il, avec les « travaux viciés et peu valorisants » relevés çà et là. C'est devenu, d'ailleurs, le propre de nos entreprises ayant la charge d'intervenir dans la voirie. Mais ce qui a titillé mon esprit, ce sont certains espaces publics baptisés, débaptisés ou rebaptisés comme le parc Sfindja dont le nom fait, pourtant, partie de notre patrimoine et de la mémoire collective. Le quidam qui passera devant cette aire de détente remarquera au fronton de l'entrée le toponyme Tifariti qui est « un village du Sahara-Occidental, notre voisin de l'Ouest et qui demeure une commune rurale relevant administrativement de la province de Smara ». N'entrons pas dans la politique polémiste, mais je ne pus m'empêcher quand même de m'interroger, moi l'ingénu, sur les raisons pour lesquelles on n'a pas attribué au parc le nom éponyme dudit quartier. Dois-je conclure que le Maâlem Mohamed Ben Ali Sfindja, cette figure-clé de la musique ça n'a du XIXe siècle, qui aurait permis au musicologue Jules Rouanet de réussir la compilation et la préservation d'une bonne partie du diwan andalou, ne mérite pas que son nom soit assimilé à un tel espace public ? Dois-je comprendre aussi, que ce personnage de l'art andalou n'est pas en odeur de sainteté chez nos bien-pensants ? N'aurait-il pas été, enfin, de bon ton de donner le non moins respectable nom de Tifariti à un édifice ou à un lieu plus approprié ? Autant j'apprécie la particularité du syntagme nominal (composé du nom commun et de l'adjectif caractérisant) transformé en nom propre pour un lieu comme Mont-riant, Mont-d'or, Val-d'Hydra, Jolie-vue, Frais-vallon, etc., autant je saisis mal la connotation d'une certaine toponymie qu'on s'échine à faire « coller » à des cités auxquelles il m'est difficile de m'identifier. Autant j'admets les noms des personnages universels scientifiques, littéraires, artistiques ou ceux ayant défendu la cause algérienne, autant j'abhorre et je méprise — les exemples sont légion — la sinistre plaque bleue « Cavaignac » ou la plaque verte apposée dans une rue à Bab El Oued par le défunt gouvernorat et qui portait de sombre mémoire, jusqu'à 2005, le nom du militaire français Montagnac, responsable de nombreux massacres en 1843 de populations civiles de l'ouest algérien.