Tombés dans la décrépitude avant de disparaître totalement de notre décor quotidien, les rémouleurs réapparaissent comme par hasard à l'occasion de l'Aïd El Kébir. Ils investissent tous les coins des principales agglomérations de la wilaya. Aucun point de vente n'est épargné, ces aiguiseurs de couteaux de circonstance, en quête de gain facile, munis d'une simple meule manuelle et parfois d'une lime, se livrent le plus normalement du monde à une activité improvisée, mais qui rapporte gros. Les plus chanceux sont évidemment les mieux équipés parce qu'ils connaissent « la musique », ils s'y sont préparés depuis bien longtemps. Une meule électrique ou à pédale est installée à côté d'un étal de fortune sur lequel sont exposés toutes sortes de couteaux, allant de ceux à cran, en passant par ceux à pain, de cuisine, de poche, à virole, à palette, jusqu'à la réplique de l'authentique boussaâdi. Cette faune d'opportunistes n'est jamais à court d'idées, s'agissant de s'enrichir sur le dos des autres. Pour ces gens-là, l'arnaque et son corollaire la fraude suivent nécessairement le mouvement. Signe des temps, certains commerçants exerçant dans la légalité se sont à leur tour mis à la tâche en se livrant à cette pratique de circonstance pour en tirer profit. Phénomène coutumier dans la wilaya qui a heureusement une connotation négative aux yeux des gens de cette vaste région des Hauts-Plateaux où tout se transforme, s'achète et se vend, comme à la parade. Hier marchand de fruits et légumes, aujourd'hui coiffeur, demain vendeur de zlabia, ou mécanicien… Dans de telles circonstances, les commerces se côtoient le plus souvent dans la plus grande confusion entre opportunistes de tous bords et vendeurs à la sauvette, tout se passe à ciel ouvert. Il y a de quoi perdre son latin.