Opposée au 4e mandat présidentiel, la classe politique qui, pourtant, s'accorde sur la nécessité d'instaurer un ordre démocratique, diverge profondément sur la stratégie à adopter pour faire triompher son projet. Alors, les deux camps se disent convaincus que l'élection, dans un régime aussi fermé qu'opaque, ne remplit pas sa fonction, qui est d'arbitrer démocratiquement une compétition entre candidats et programmes politiques. Le rendez-vous du 17 avril prochain confirme, encore une fois, ce clivage qui disperse les forces politiques, suscitant une polémique entre participationnistes et boycotteurs. A chacun ses arguments. Pour les partisans du boycott, dont la tendance apparaît dominante, «participer à l'élection présidentielle serait cautionner un scrutin verrouillé au profit du candidat du pouvoir, où les conditions de transparence sont inexistantes». Dénuder le roi est ainsi donc le cheval de bataille de ceux qui appellent à bouder les urnes le 17 avril. Un mot d'ordre porté par plusieurs partis politiques de diverses extractions : RCD, MSP, FJD, Ennahda, Jil Jadid…, mais aussi par des personnalités nationales comme le défenseur des droits de l'homme Ali Yahia Abdennour, l'ancien candidat à la présidentielle de 1999 Ahmed-Taleb Ibrahimi et, depuis hier, le candidat Ahmed Benbitour. Mohcine Belabbas, président du RCD, parle plutôt de «tromperie électorale» qui intervient dans «un moment où les problèmes du système sont au maximum de leur exposition, que les clans se rendent à un semblant de compromis pour aller vers une élection dont on connaît l'issue mais qui, au fond, ne règlera ni les divisions du sérail ni les défis que lui lance la société». Il est catégorique : «Sauf à prendre le risque de paraître participer pour donner un sursis au système ou être intéressé par des raisons moralement douteuses, le boycott, qui s'imposait de lui-même, ne se limite pas seulement à refuser de voter, mais à se mobiliser pour rendre illégitime un scrutin par tous les moyens pacifiques.» De l'autre côté, les participationnistes aiguisent également des motivations politiques pouvant défendre leur choix et trouvent des limites à la logique du boycott, car elle n'offre pas d'alternative et surtout laisse la voie libre au candidat du pouvoir. Ils tablent sur une forte mobilisation populaire pour «ne pas laisser les habituels faiseurs de rois accomplir une nouvelle fois leur forfait». Pas si facile face à la redoutable machine et à un appareil bureaucratique rompu à la technique de fraude. Abdesselam Ali-Rachedi dit ne pas partager l'idée selon laquelle les jeux sont faits : «Il faut faire confiance au peuple. L'élection présidentielle offre l'opportunité d'aller vers les citoyens, de leur parler, de les aider à sortir du défaitisme et de la peur et de les convaincre, en définitive, de se mobiliser pour devenir eux-mêmes acteurs du changement.» Les partisans de la participation voient en la présidentielle une opportunité pour s'adresser aux électeurs, diffuser leurs idées et les mobiliser autour d'un projet. Les plus téméraires d'entre eux tablent sur «un troisième tour en cas de détournement de la volonté populaire». La rue ? En somme, depuis l'ouverture démocratique, les partis politiques ont oscillé entre boycott et participation à l'élection, sans pour autant conquérir le pouvoir. Vingt-quatre ans après la première élection plurielle, l'opposition politique a connu un repli, sans pouvoir contraindre l'autoritarisme à concéder le moindre espace démocratique. N'est-il pas temps de faire le bilan et de tirer les leçons d'un «échec recommencé» ?