Après avoir été contraint de reporter sine die son discours présidentiel sur l'état de l'Union, Donald Trump a fait face, hier, au rejet probable par le Congrès de son plan de sortie du «shutdown», une proposition rivale des démocrates devant subir le même sort. C'était à qui céderait le premier et c'est finalement le président républicain qui a flanché face à la chef démocrate du Congrès, Nancy Pelosi. Symbolique, le report de ce discours, prévu au départ mardi prochain, est hautement révélateur de la paralysie partielle inédite provoquée par le plus long «shutdown» de l'histoire américaine. Après ce report sine die, reste la question principale et apparemment insoluble à ce stade : comment sortir de l'impasse budgétaire qui frappe un quart des administrations fédérales américaines, 800 000 fonctionnaires et de nombreux sous-traitants depuis le 22 décembre ? Le Sénat américain a voté hier vers 14h30 (19h30 GMT) sur deux textes concurrents qui tentent, chacun à leur manière, de permettre une sortie de crise. Mais les deux mesures semblent promises à l'échec. Au cœur de ce conflit : le mur que veut Donald Trump à la frontière avec le Mexique afin de lutter contre l'immigration clandestine. Il réclame pour l'ériger plus de cinq milliards de dollars. Mais, les démocrates refusent de signer un compromis budgétaire sur cette base. S'ils proposent de financer des mesures de sécurité renforcées à la frontière, pas question en revanche d'entendre parler de «mur», qu'ils jugent «immoral» et inefficace. «Sans un mur, il ne peut y avoir de sécurité à la frontière ou pour les Etats-Unis», a encore martelé hier matin Donald Trump. «Construisez le mur et la criminalité baissera», a-t-il clamé. Derrière l'enjeu du mur, les démocrates qui ont aussi par le passé employé le levier du «shutdown» pour négocier sont déterminés à ne pas céder de crainte que Donald Trump n'utilise ensuite la même pression pour obtenir d'autres mesures hautement controversées. Les deux positions enkystées apparaîtront au grand jour lors du vote au Sénat. Les démocrates exhortent le président et les républicains à accepter une loi de financement partielle jusqu'au 8 février qui permettrait de sortir temporairement de l'impasse, en promettant de revenir à la table des négociations sur la sécurité aux frontières une fois le «shutdown» levé. Soupes populaires Leur texte ne contient pas de budget pour le mur. En face, la proposition républicaine assure un financement du gouvernement jusqu'en septembre, et intègre l'enveloppe pour le mur, ainsi qu'une concession accordée samedi par M. Trump : un sursis de trois ans pour un million d'immigrants directement menacés d'expulsion. Pour être approuvés, ces textes doivent obtenir 60 voix au Sénat, où les républicains détiennent 53 des 100 sièges. Aucun ne semble avoir les voix nécessaires. Tout texte devrait ensuite franchir la Chambre des représentants, aux mains des démocrates, puis être promulgué par Donald Trump. Pas le choix : il faudra que les deux parties se mettent d'accord. «Je ferai le discours quand le shutdown sera fini», a annoncé Donald Trump sur Twitter mercredi soir, affirmant que ce «grand» discours, lors duquel les présidents américains exposent chaque année leur programme et leur vision de l'avenir du pays, serait prononcé «dans un futur proche». L'expression «futur proche» reprise par Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, pour enjoindre Donald Trump à accepter rapidement la solution des démocrates. Faute d'accord, quelque 800 000 employés fédéraux restent au chômage forcé ou sont poussés à travailler sans solde lorsque leurs emplois sont jugés essentiels. Beaucoup, payés toutes les deux semaines, ont déjà été privés d'un salaire et semblent bien partis pour ne pas recevoir le deuxième, prévu aujourd'hui. Les sous-traitants aussi souffrent durement et, à la différence des employés fédéraux, ils ne seront pas payés rétroactivement. L'aumônier du Sénat, Barry Black, a appelé les parlementaires mercredi à trouver une solution en pensant aux garde-côtes forcés de recourir aux soupes populaires. Contrôleurs aériens, pilotes et personnels navigants ont fait part, hier, de leur inquiétude croissante concernant la sécurité dans le transport aérien aux Etats-Unis, prévenant que le niveau de risque dû au «shutdown» persistant n'était même pas calculable.