S'il y a bien un marché qui semble n'avoir pas connu la crise, c'est bien celui de l'armement. Il ne se passe pratiquement pas un mois sans que les plus grands fabricants d'armes de la planète n'annoncent la conclusion d'un important contrat. C'est le cas particulièrement de la Russie, qui semble prendre, ces dernier temps, un plaisir certain à médiatiser à outrance ses ventes d'armes. Pas plus loin que lundi dernier, l'agence russe d'exportation d'armes, Rosoboronexport, a annoncé la conclusion avec le gouvernement algérien d'un nouveau contrat, portant sur la livraison à l'ANP de 16 Sukhoi SU-30MKI, qui pourrait atteindre un milliard de dollars. Comme toujours, cette information n'a été ni confirmée et ni démentie par les autorités algériennes, qui continuent à entretenir le plus grand secret autour de tout ce qui touche au dossier de l'armement. « Je n'ai pas à mon niveau d'information à vous communiquer sur le sujet. Sachez cependant que lorsqu'il y a quelque chose, nous prenons toujours le soin de l'annoncer par le biais d'un communiqué officiel », s'est contenté de répondre un officier supérieur de l'ANP en poste au ministère de la Défense nationale à la question de savoir si l'information donnée par la presse russe était crédible. Moscou ne se contente pas du « coup » réussi avec l'Algérie. Dans ce sillage, les responsables de l'industrie russe d'armement ont annoncé avoir signé le même type de contrat avec l'Ouganda. Dans la foulée, les analystes russes rappellent à l'unisson que « depuis le début de l'année, Rosoboronexport a conclu des contrats de livraison d'armement pour un montant total de près de 7,5 milliards de dollars ». Soit déjà près de la moitié du montant total des contrats conclus en 2009. Voilà donc une performance qui devrait définitivement faire oublier la polémique sur la qualité de l'armement russe, née en 2007, au lendemain précisément de la décision d'Alger d'annuler un contrat d'achat de 34 Mig29. Une annulation intervenue après une première livraison de 24 appareils refusés par l'armée algérienne en raison de leur qualité jugée contestable. D'ailleurs, si la soudaine propension affichée par les autorités russes à médiatiser les contrats conclus par ses complexes militaro-industriels ne répond pas justement à la volonté de démentir l'idée fortement répandue, ces dernières années, selon laquelle ces mêmes complexes sont entrés dans une crise profonde et que leurs produits ont beaucoup perdu de leur qualité. Une idée qui, pour de nombreux experts d'ailleurs, a trouvé son fondement dans le renvoi par l'Algérie d'une partie des Mig qui lui étaient destinés en 2007. En tout cas, les experts russes en armement n'ont pas caché, il y a trois ans, les dommages causés à leurs fabricants par la décision d'Alger, que ce soit en termes de coût ou au plan de l'image. Avant que le dossier des 24 Mig29 renvoyés ne soit tranché en faveur de l'Algérie, tout le monde se rappelle que les médias russes s'étaient employés à politiser l'affaire dans le but justement d'éviter que ne soit remise en cause la crédibilité de Rosoboronexport et surtout faire en sorte que les contrats de plusieurs dizaines de milliards de dollars négociés par la Russie ne tombent pas à l'eau. En montrant aujourd'hui au monde entier, à coups de rafales de dépêches, que l'Algérie continue à faire confiance à ses industries d'armements, la Russie écarte ainsi tout risque de perdre ses clients traditionnels. La surmédiatisation par la Russie du dossier algérien ne va toutefois pas sans créer quelques soucis au gouvernement algérien. En mettant en avant régulièrement les contrats conclus avec l'Algérie il y a déjà belle lurette, les Russes ont sans doute contribué à ajouter de l'eau au moulin de ceux qui tentent de prêter des intentions belliqueuses au Pouvoir algérien. Le silence observé par les autorités algériennes autour de la question n'aide pas du tout à replacer le débat dans son vrai contexte.