Les communes ont, pour rappel, été paralysées les 30 et 31 mars dernier suite à l'appel lancé par le syndicat des communes, affilié au Snapap, qui a décidé de recourir, en guise de nouvelle action, à une grève cyclique de trois jours à partir de la deuxième semaine d'avril tant que leurs revendications restent sans réponse. La première grève du mois de mars avait d'ailleurs fait réagir le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales qui l'a qualifiée de « déstabilisatrice ». « Aucun syndicat ne fait grève de gaieté de cœur et aucune organisation syndicale ne fait grève pour déstabiliser son secteur. M. Zerhouni doit comprendre que si nous avons eu recours à la protestation, c'est parce que nous n'avons jamais été écoutés. » C'est en ces termes que des membres du Conseil national du secteur des communes, contactés par nos soins, ont répondu à leur ministre de tutelle. « L'administration locale est notre gagne-pain, nous essayons par tous les moyens de la préserver et non pas de la détruire », a lâché un préposé au guichet au niveau de la capitale. Les agents des communes, qu'ils soient dans les services administratifs ou techniques, ont à l'unanimité dénoncé les accusations du ministre. Ils crient à qui veut les entendre qu'ils vivent dans la précarité, que leur salaire est dérisoire et leurs conditions de travail lamentables. Dans son communiqué, le ministre de l'Intérieur avait évoqué la finalisation du statut particulier des personnels de l'administration territoriale et parlé d'évaluation exhaustive de tous les emplois actuels pour relever tous les dysfonctionnements existant ; il s'agit notamment des problèmes des conseillers techniques, des corps à grade unique (inspecteur des services communaux, vétérinaires), des assistants de sécurité et des personnels pris en charge par les budgets de wilaya. Le département de Zerhouni fait également part de la définition des emplois en adéquation avec les missions des collectivités locales et donne, à cet effet, le chiffre de 344 métiers définis et organisés en 4 filières et hiérarchisés en 20 niveaux. Les agents rencontrés sur le terrain disent ignorer complètement ce qui se prépare au niveau de leur tutelle. Le personnel ayant participé au mouvement de grève affiche néanmoins sa satisfaction quant au résultat positif en termes d'adhésion à ce débrayage. « Notre grève a fait réagir le ministre de l'Intérieur. Même s'il nous a traités de comploteurs, sa sortie est pour nous une reconnaissance de notre grève. Le débrayage n'est pas resté sans écho », a observé Ali Yahia, porte-parole du syndicat. Sans aucune exception, le personnel de l'administration a qualifié les annonces de M. Zerhouni, dans sa missive, de « simples promesses ». Le ministère de l'Intérieur, faut-il le souligner, a énuméré toutes les étapes de la réforme engagée dans le secteur de l'administration locale tout en rappelant que les effets du nouveau statut, notamment les nouvelles classifications et le régime indemnitaire, seront applicables avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2008. « Dans les coulisses de notre administration, on parle depuis 2007 de l'élaboration du statut particulier et de l'installation d'une commission qui s'attelle sans discontinuer à sa finalisation. Jusqu'à l'heure actuelle, nous n'avons rien vu. Ce ne sont que des promesses », déplore un agent communal. Employés depuis 15 ans, mais non régularisés Abondant dans le même sens, son collègue regrette que ni la tutelle ni le premier responsable de l'administration n'aient daigné un jour s'enquérir de leur situation : « On ne nous a jamais demandé notre avis sur notre statut particulier, nous n'avons à aucun moment formulé des propositions quant à nos revendications, alors que nous sommes les premiers concernés », a-t-il fulminé. Ce travailleur communal nous révèle qu'il existe des agents qui ont été recrutés dans le cadre du filet social il y a 15 ans et qui touchent 3000 DA mensuellement. « Ces agents sont certes inscrits à la sécurité sociale, mais n'ont jamais été régularisés. Ils ont recruté des ingénieurs qui sont soumis à un contrat d'une année renouvelable une seule fois et qui touchent à peine 12 000 DA. Est-ce normal ? Est-ce légal ? », s'interroge cet agent qui a requis l'anonymat. Celui-ci explique que le meilleur salaire au sein de l'administration ne dépasse pas les 30 000 DA. « Nous avons, en dépit des menaces et de la pression de l'administration, adhéré à la grève, car nous nous sentons lésés », a lancé un préposé au guichet, ajoutant à l'adresse de M. Zerhouni : « Est-ce un crime de revendiquer son droit ? Est-ce que revendiquer un droit est une forme de déstabilisation de l'administration ? Les pouvoirs publics nous ont marginalisés. Ils ont exclu les partenaires sociaux et n'ont jamais ouvert le dialogue avec la base pour connaître ses problèmes. » Le même agent, qui travaille dans une APC d'Alger, à l'instar de ses collègues, exprime son ras-le bol des promesses non tenues : « Nous sommes pour le développement de notre administration, pour la stabilité de notre emploi et pour un salaire digne. Je perçois un salaire qui ne dépasse pas les 20 000 DA. J'occupe un poste au service de l'état civil depuis 20 ans, je suis permanent et mon salaire n'a jamais bougé en dépit des multiples changements », se plaint-il. Cet employé ne comprend pas pourquoi le ministre de l'Intérieur qualifie leur grève de manœuvres obéissant à des velléités de déstabilisation de l'administration locale et de son engagement au service du citoyen. « Pourquoi le ministre ne s'est-il pas inquiété du vécu des 500 000 employés de son secteur avant les deux jours de grève ? Pendant que nous nous débattons pour boucler nos fins de mois, pourquoi M. Zerhouni ne réagit-il pas ? Pourquoi nos décideurs voient le complot partout ? Savent-ils que les ingénieurs, qui ont été recrutés dans le cadre du pré-emploi, touchent entre 6000 et 12 000 DA ? », peste M. Ali Yahia, qui n'envisage pas de baisser les bras.