Les tentatives visant à diviser les manifestants se multiplient sans atteindre leur objectif. Hier, lors du 10e vendredi du hirak, dans plusieurs villes de l'Est, on a signalé ces tentatives et les réactions des marcheurs ne se sont pas faites attendre. A Souk Ahras, les manifestants ont scandé en chœur «Chaâbia, chaâbia, dhid el hizbia !» (Populaire, populaire, contre les orientations partisanes), tout en brandissant des drapeaux et des banderoles dénonçant les tentatives de récupérations partisanes de leur mouvement populaire, toujours qualifié de pacifique. «Non au FLN, non au RND, sources de nos misères». Idem à Constantine, où des individus qui voulaient glisser des slogans hostils à l'armée ont été priés de se taire ou de quitter la marche. «Voyez-vous, c'est ce type de slogans qui risque d'affaiblir notre mouvement et nous diviser. Le 22 février, nous sommes sortis unis pour un objectif commun, et nous devons rester vigilants contre les écarts partisans», a tonné un senior provoquant l'acquiescement de son carré. Ils étaient des milliers à marcher hier, hommes et femmes, scandant des slogans qui exigent depuis deux mois le départ du système, tout le système. Mais hier aussi, de nouveaux slogans sont apparus pour demander une justice indépendante au-dessus des guerres de clans. A Oum El Bouaghi, la population ne désarme pas et commence à montrer son impatience face aux tergiversations de ceux qui tiennent actuellement l'initiative politique. «Nous ne comprenons pas pourquoi le pouvoir s'entête à fermer les portes et ne négocie pas avec les personnalités les plus en vue du hirak pour trouver une sortie honorable à la crise ?» s'interroge un jeune. A Jijel, les manifestants ont rejeté à l'unisson la feuille de route du pouvoir et dénoncé la justice, jugée expéditive qui a caractérisé ces derniers jours la scène politique nationale. Sur des écriteaux, on pouvait lire : «Pas d'opération mains propres avec des mains sales». Donner la force aux marches A Tébessa, des milliers de manifestants ont dénoncé hier la sourde oreille du pouvoir. «Le mot d'ordre est maintenu : la mobilisation ne doit pas s'arrêter là. On est obligé d'aller jusqu'au départ du dernier symbole du régime en place. Cette semaine, il y a eu des limogeages, des interpellations et des poursuites judiciaires, mais le pouvoir continue à tergiverser quant à la revendication du peuple, soit le départ de tout le système», a dit un étudiant. C'est le même discours tenu à Skikda, où l'on continue d'y croire. «On doit poursuivre notre mouvement. On doit encourager encore les gens à marcher jusqu'à ce que le système parte», déclare un manifestant sur l'esplanade de la place de l'Hôtel de Ville. Il faisait partie d'un groupe de jeunes de plusieurs quartiers de la ville, qui ont cotisé pour tirer des centaines de photocopies portant toutes des slogans relatifs au hirak. «On n'a pas de page Facebook. Nous, on préfère être actifs sur le terrain. On a remarqué que la marche de la semaine dernière n'était pas aussi importante, on a décidé d'encourager, à notre façon, les gens à marcher», avancent ces jeunes. Sur cette même place, d'autres jeunes, qui manifestaient devant le siège du FLN, n'ont pas résisté devant la tentation de cacher l'enseigne portant le sigle de ce parti. Cette volonté de donner une force aux marches a été remarquée à Bordj Bou Arréridj. «Dans notre entreprise, nous avons fait front commun contre la section syndicale, et nous avons exigé son départ. C'est ce qui a été fait. Maintenant, nous vivons dans une parfaite symbiose. Donc, il n'y a pas plus simple pour le chef du corps d'armée que de se plier à la volonté du peuple, en faisant éjecter les indésirables de leurs sièges de responsabilité», abonde un fonctionnaire de Naftal. Parmi les nouveaux signes de ce 10e acte, on notera la présence des gilets orange pour la première fois à Guelma. Ces jeunes forment un tampon entre les services de sécurité et les marcheurs. «Ils ont toute la latitude d'organiser et encadrer la marche de façon à ce qu'aucun incident ne puisse survenir», dira un des participants. Toutefois, le fait remarquable de ce 10e vendredi a été révélé à Biskra, lors de la marche organisée sur la place de la Liberté. Innovant, des groupes de comédiens indépendants ont présenté des saynètes sur des tons burlesques et satiriques pour dénoncer les tares des dirigeants, aborder des sujets sociétaux et promouvoir les vertus de la liberté et du droit à l'expression libre. «Ces séances de théâtre de rue sont improvisées pour agrémenter les marches. Ces petites représentations visent à conférer au mouvement populaire initié depuis le 22 février un cachet culturel et distractif afin d'éviter la routine et la lassitude. Nous espérons pouvoir présenter nos créations chaque semaine. L'engouement des jeunes pour ce mode d'expression nous y encourage», a confié un féru du 4e art.