Artiste peintre, autodidacte, Semhane Khelil peint régulièrement depuis presque une vingtaine d'années. Elle vit à Valence depuis 2010. Venue pour continuer ses études en Coopération internationale, spécialité Mouvements migratoires et Co-développement, son talent d´artiste peintre la suit partout ou elle va. Elle a déjà participé à pas mal d'expositions, où il relate son voyage dans le temps et l'espace selon une vision scrupuleuse et analytique. Dans cet entretien, elle nous parle de son parcours, son talent et son amour pour la peinture. – D'où vient cet amour pour les couleurs vives ? Et quels sont vos sujets et vos couleurs préférés ? Je suis issue d'une société ancestralement forte, combative mais surtout joyeuse malgré les fâcheuses expériences humaines qu'elle a pu rencontrer. Le soleil d'Alger et d'Azzefoun, aussi bien dans ses levers comme ses couchers m'a offert les plus belles des palettes de couleurs vives que vous aviez pu constater sur mes œuvres. C'est peut-être de la que j'organise la mienne, même si beaucoup d'autres éléments aussi bien naturels qu'humains m'ont permis de la trouver… Une chose est sûr, le noir n'en fait pas partie… Mes couleurs préférées vous dites ? Actuellement, les jaunes, bleus mais surtout blancs, vert, rouge ! Ils embellissent mon univers. – Quel est l'apport de votre activité artistique à votre vie quotidienne, peut-on concevoir la peinture comme une «pratique de soi», voire un mode libérateur qui vous permet de s'épanouir et d'être soi-même ? J'ignore si c'est ma vie quotidienne qui apporte à mon activité artistique ou c'est plutôt l'inverse. Je ne peux détacher l'une de l'autre en quelque sorte… quand on est artiste, on l'est tout le temps, pas uniquement au moment d'exécuter une œuvre. – Le choix de la peinture abstraite est-il fait au hasard ou pour des raisons particulières ? L'abstraction ! oui pourquoi l'expression abstraite alors que l'on veut justement parler de choses ou de questions concrètes, comme l'injustice, la torture, le désespoir, le mépris, la hagra, el harga, la terreur, l'indifférence, le laisser-aller, l'irresponsabilité politique, l'occupation, mais aussi l'amour, le désir d'être, la dignité, la joie de vivre, la paix, la sécurité, le droit au bonheur, la sérénité, toutes ces choses qui me semblent importantes à traiter, mais qui sont inutiles pour les unes et vitales pour les autres dans l'absolu, mais surtout dans la vie éphémère d'un homme ou d'une femme… Je crois que mon expression artistique s'est définie d'elle-même pour me permettre de crier silencieusement quand il faut et de suggérer fortement ma vision des choses et mes espérances sans vouloir préciser ou donner des formes à mes pensées… – D'une certaine manière, on dit qu'un tableau de peinture n'est jamais fini. A quel moment vous posez vos pinceaux ? Effectivement, votre question posée de la sorte, il me sera difficile de poser mes pinceaux, car je ne peins qu'au couteau ! Par contre, vous avez raison de dire qu'un tableau n'est jamais fini, on dit même qu'il n'est fini qu'une fois exposé au public… Pour répondre à votre question, en effet, je ne considère jamais une œuvre achevée que lorsque je sens que je n'ai plus rien à dire sur le sujet qui m'a poussée à le peindre. – Les tableaux reflètent les états d'âme de l'artiste peintre. Pour l'artiste que vous êtes, selon vous, est-ce que ce sont ces états, qui varient constamment, qui décident de la naissance et de la finition de vos œuvres artistiques ? Dans mon cas, c'est plutôt la pertinence du sujet et la question qui m'interpellent qui décident surtout de la naissance de mes œuvres artistiques. D'ailleurs, c'est cette pertinence même et le besoin urgent d'expression qui avaient donné naissance à ma peinture. – Parmi ces tableaux, quel est celui qui illustre le mieux votre parcours personnel ? Il faut savoir qu'en tant qu'artiste, j'interviens toujours en observatrice des événements de mon environnement social, politique, culturel ; qu'il soit direct ou indirect… C'est en effet ma sensibilité et ma conscience que j'engage au moment de traiter d'un sujet, avant de le projeter sur mon support… mais si je peux revenir à cette illustration, j'indiquerais cette toile bleue Huile sur toile 61cm/50cm (sans-titre 2011) qui fait, depuis le mois passé, la couverture du livre de la regretté Dyhia Lwiz paru aux éditions Tira et qui est disponible dans les librairies à Alger et dans d'autres villes d'Algérie. Evidement, cette toile n'illustrerait pas mon parcours en tant que tel, mais un petit passage introspectif – Le printemps démocratique en Algérie ? Des tableaux pour l'illustrer ? J'attendais votre question sur les événements que connaît le pays depuis la désormais historique date du 22 Février 2019 et l'avènement de ce que nous appelons le hirak ! Cette cinquième saison de quête de la démocratie que le peuple algérien édifie avec bravoure et un pacifisme inédits est exceptionnelle ! Oui, en effet, j'ai consacré deux grandes œuvres 100 cm/180 cm chacune d'elles et intitulées l'Eveil (1) – La chute du mur et l'Eveil (2)- la Victoire. Deux toiles qui ont été exposées le 4 avril 2019 à Alicante lors de la 4e rencontre du Collectif méditerranéen d'Alicante organisée par Casa Meditterraneo, aux côtés d'autres peintures, sculptures et photographies d'artistes venus d'Algérie, d'Irak, de Turquie, de Malte, de France et aussi d'Espagne. – Est-ce un engagement personnel artistique et politique ? Vous faites de la politique ? Même avec vos tableaux ? Quand on est d'un pays comme l'Algérie, on ne peut pas ne pas faire de la politique en tant que citoyen d'abord, car tout ce qui vous entoure vous pousse à parler politique ! Rappelons que la politique par définition est d'abord parler des choses et des affaires de la société, de ceux qui les font, ceux qui les organisent comme de ceux qui ne les subissent, ceux qui les dirigent comme de ceux qui les imposent, ceux qui construisent comme de ceux qui ne construisent pas, ou carrément qui détruisent. En tant qu'artiste, je fais de la politique et j'incite les autres à faire comme moi, à m'engager afin que les choses changent ! – Comment voyez-vous la scène artistique algérienne ? Sincèrement, je pense qu'elle est à son plus haut niveau de créativité, d'expression artistique. Par tous ses slogans éloquents, ses chants et chansons, ses pancartes artisanales, les peintures urbaines qui embellissent certains quartiers dans presque toutes les villes du pays, je dis bravo à mes compatriotes. C'est une scène artistique sublime et porteuse d'espoir pour le pays. C'est une scène artistique à ciel ouvert et qui offre au monde une trop belle image de notre peuple. La révolution du sourire est aussi et surtout une révolution du beau, du raffiné, du vrai. Pour clôturer, permettez-moi de transmettre mes salutations et d'exprimer toute mon admiration aux millions de braves algériennes et algériens qui manifestent majestueusement leur refus absolu de la continuité du système, avec talent, créativité et un pacifisme jamais connu dans l'histoire des mouvements sociaux à travers le monde. Ce peuple est en train d'écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du pays. – Bio-Express Semhane Kheli est née à Alger en 1978, exactement à la pointe Pescade – Raïs Hamidou. Licenciée en traduction de l'Institut de traduction et d'interprétariat de la faculté d'Alger. Elle rejoint la ville de Valence en Espagne en 2010. Elle a fait son master en Coopération internationale, spécialité Mouvements migratoires et co-développement, à l'université publique de Valencia. Elle a ensuite entamé un doctorat en Justice internationale, démocratie et droit de l'homme où elle a présenté un projet d'étude empirique sur la Coopération internationale et la protection des sociétés civiles et des droits de l'homme dans les pays nord-africains. Elle a participé à plusieurs expositions individuelles et collectives, notamment : la collection «Regards perdus», Fundación Comparte, à Barcelone en 2014, à Godelleta (Valence), à Paris (France) et Grupo Mediâtica, à Barcelone en 2015. En avril 2019, elle participe à la IV rencontre Internationale de «Présentation du Col-lectiu Mediterani d'Alicante» – La Lonja del Pescado – Alicante (Espagne). A. A. M.