L'affaire de l'autoroute Est-Ouest devra être rejugée demain par le tribunal criminel près la cour d'Alger. Revenue après un pourvoi en cassation près la Cour suprême, elle concerne 17 accusés, dont sept sociétés étrangères. Le procès se tiendra en l'absence du principal mis en cause, l'homme d'affaires algéro-luxembourgeois Majdoub Chani, installé au Luxembourg, et au moment où une instruction est ouverte au pôle financier concernant les ex-ministres des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, des Travaux publics, Amar Ghoul, et de l'Energie, Chakib Khelil. Jugée au mois de mars 2015, l'affaire de l'autoroute Est-Ouest revient ce jeudi devant le tribunal criminel près la cour d'Alger. En tout 17 accusés, dont sept sociétés, poursuivis pour plusieurs chefs d'inculpation, allant de «l'association de malfaiteurs», «corruption», «blanchiment d'argent», «dilapidation de deniers publics» et «abus de fonction», jusqu'au «trafic d'influence», «perception d'indus cadeaux» et «violation de la réglementation des changes», sont appelés à comparaître pour la seconde fois, après cassation par la Cour suprême du premier verdict. Il s'agit de Mohamed Khellad, ex-directeur des nouveaux programmes de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), Mahdjoub Chani, homme d'affaires algéro-luxembourgeois, propriétaire d'une société fiduciaire, Rachid Hamdane, ex-directeur de la planification au ministère des travaux publics, Allab Kheier, entrepreneur, Belkacem Ferrachi, ancien cadre au ministère des Transports, Mohamed Ouezane (plus connu sous le nom du colonel Khaled), ex-conseiller au ministère de la Justice (décédé), Ahmed Ghazali, ex-directeur des études au niveau de l'Ana, et Naim et Madani Bouzenacha, ainsi que sept sociétés étrangères, les consortiums chinois CRCC-CITIC et japonais Cojaal, ainsi que les sociétés suisses Pizarotti et Garaventa, espagnole Isolux Corsan, canadienne SMI et portugaise Coba. Cette affaire avait fait couler beaucoup d'encre du fait qu'elle impliquait de nombreuses personnalités, citées dans le rapport de l'enquête préliminaire des officiers de l'ex-Département de renseignement et de sécurité (DRS), effectuée en 2009, parmi lesquelles, l'ex-ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, qu'on s'est contenté d'interroger par écrit lors de l'instruction, et que le tribunal criminel près la cour d'Alger s'est suffi de la lecture des réponses en audience. On se rappelle que le président de la cour, sous la pression des avocats qui réclamaient en vain la présence de Amar Ghoul au procès, avait fini par lâcher : «Vous voulez que le petit juge que je suis convoque un ministre en fonction pour l'auditionner ? Mais jamais !» Nombreuses révélations Il faut dire que le nom de Amar Ghoul n'a pas quitté la salle d'audience durant tout le procès. Il n'est pas le seul. Le rapport préliminaire a fait état de nombreuses révélations sur le rôle qu'aurait joué Pierre Falcone, homme d'affaires français (condamné pour, entre autres, fraude fiscale et trafic d'armes) auprès de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, pour introduire le consortium chinois en Algérie, lui donner une partie du marché de réalisation de l'autoroute, en contrepartie de commissions. Pour la majorité des observateurs et la défense des mis en cause, le procès de 2010 n'a pas livré les secrets de ce marché du siècle, qui avait démarré avec une enveloppe de 6 milliards de dollars (pour près de 1200 km) avant de passer à 12 milliards et de terminer à près de 16 milliards de dollars. Au mois de juin 2019, alors que la contestation populaire battait son plein à travers le pays, la Cour suprême annonçait avoir rouvert le dossier, dans lequel trois anciens ministres, Mohamed Bedjaoui, Chakib Khelil et Amar Ghoul, sont mis en examen. Seul Amar Ghoul, en détention pour d'autres affaires, a été auditionné par le magistrat instructeur, avant que l'affaire ne soit renvoyée, il y a quelques mois, devant le pôle pénal financier, près le tribunal de Sidi M'hamed, à Alger. Depuis, l'instruction n'a pas avancé, alors qu'un nouveau procès est prévu ce jeudi devant le tribunal criminel près la cour d'Alger. Pour les plus avertis, «il n'apportera rien de nouveau», en l'absence de Mahdjoub Chani et d'autres accusés, mais surtout des trois anciens ministres ainsi que certaines personnalités très proches du clan du Président déchu. «Le dossier risque d'être définitivement enterré», conclut un avocat constitué, en rappelant le procès Khalifa Bank qui a eu lieu il y a quelques mois au tribunal criminel de Blida et s'est terminé en queue de poisson. Advertisements