Il y a quelques mois, une association des concessionnaires de l'Office Riad El Feth (Coref) a vu le jour. Comptant 18 membres entre le centre des Arts et le bois des arcades, elle a principalement comme fondateur, le président Lotfi Betaimi et le vice-président Mouloud Defnoun, le propriétaire de la librairie, la Plume des Arts. L'objectif de cette association est dans un premier temps de revaloriser le Centre Riad el Feth afin de lui donner une meilleure image. «Notre objectif est de travailler en collaboration avec l'administration de l'OREF pour mener au mieux et à bien toutes les actions nécessaires à sa revalorisation. Nous aimerions aussi œuvrer dans des actions caritatives», confie Lotfi, le président de l'association. Mais que se passe-t-il dans le plus ancien des lieux socioculturels ? Il semblait que depuis sa création à aujourd'hui, le centre est en pleine décadence, que ce soit sur le plan de l'infrastructure, comme sur les espaces dédiés à l'art et à la culture, et ce, dans toutes ses formes. D'ailleurs, le monument des martyrs est composé de plusieurs espaces, notamment le centre des Arts, l'espace restaurant et café, mais aussi le Musée national du moudjahid et le Musée national de l'Armée. Le centre Riad El Feth de par son monument historique est le symbole de la guerre et de la Révolution algérienne. Dans sa forme extérieure, il paraît dans un état décent. Cependant, ce n'est guère le cas lorsque l'on s'approche de plus près. «Ce monument dans son ensemble est l'image de l'Algérie. Les étrangers, qui viennent le visiter, partent avec des images négatives de notre pays. C'est tout à fait normal lorsque l'on voit l'état de délabrement total, que ce soit du centre ou de l'état des sanitaires», précise le président de l'association. En ajoutant : «Nos dirigeants sont manifestement en train de bafouer l'image de l'Algérie simplement en abandonnant ce lieu.» Clairement ce que Lotfi Betaimi essaye d'illustrer, c'est qu'il est impossible de parler de tourisme, s'il n'y a pas de culture touristique ! Et malheureusement, c'est une notion totalement inexistante. «Il faut que les Algériens prennent conscience de notre culture d'abord.» Faillite De plus, avec la pandémie du coronavirus qui sévit, cela n'a fait qu'aggraver la situation. En effet, la fermeture temporaire de trois mois du Centre Riad El Feth, par ordre du gouvernement, n'a fait qu'empirer les choses. Malgré la modeste reprise des activités culturelles, les locataires du Centre Riad El Feth sont au bord de la faillite, du moins pour ceux qui sont encore ouverts, voire semi-ouverts. Il faut savoir que le centre ne compte pas moins de 120 locaux, et sur les 80 attribués, seule la moitié d'entre eux exerce encore. Le reste est malheureusement fermé, soit 30% du centre est en activité. Ce n'est pas tout, même ceux qui exercent sont dans une phase de survie. Pour comprendre la situation, les concessionnaires, que nous pouvons aussi appeler des locataires, sont dans l'incapacité de payer leur loyer, car il n'y a aucune rentrée d'argent. Le président de l'association explique qu'après plusieurs réunions avec la nouvelle directrice, Farida Tahrat, «qui vient tout de même avec une bonne volonté», mais aussi après plusieurs lettres de doléances envoyées au ministère de la Culture ainsi qu'au Premier ministère, il n'y a pas de retour. La seule solution qui leur a été proposée pour l'instant, c'est «de rééchelonner le paiement des locaux, même si ces derniers sont fermés», nous dit-il. Volonté Mais comment entreprendre le processus de revalorisation du Centre Riad El Feth ? Avant toute chose, il est indispensable d'accorder l'importance qu'il faut à ce lieu baigner d'histoire. Et pour cela, il faudrait beaucoup plus qu'une pointe de volonté. Une volonté partagée, que ce soit de la part de l'OREF que par les concessionnaires. De plus, il n'est pas difficile d'observer, simplement en faisant le tour du centre, combien de locaux sont inexploités et laisser à l'abandon. Le centre tourne à peine à 35% de sa capacité, alors qu'il pourrait l'être beaucoup plus. Autrement dit, il y a une quarantaine de locaux vide. Essayer donc d'imaginer le manque à gagner ? «Comparé à d'autres centres, celui-ci est à l'abandon. Selon moi, il y a une mauvaise gestion et un important laisser-aller. C'est la négligence, il semblerait que le ministère de la Culture n'arrive pas à assumer la gestion du centre», atteste Lotfi Betaimi. Nous avons tenté d'avoir une estimation quant au budget nécessaire afin de remettre sur pied le centre. L'association a répondu «qu'il ne faut pas beaucoup d'argent. De plus, plusieurs concessionnaires se portent garants pour refaire, notamment les sanitaires». Toutefois, il reste beaucoup à faire entre les inondations et les infiltrations d'eau et le problème de climatisation. Par ailleurs, il semblerait que le centre recense au tour de 400 employés, mais où sont-ils et que font-ils ? Le ministère de la Culture se souvient-il de ce lieu uniquement lors d'événements précis. Mais qu'en est-il du reste de l'année ? «Nous avons même fait des sit-in avec plusieurs concessionnaires au niveau du ministère de la Culture pour leur dire qu'il faut trouver des solutions. Certes, ils nous ont reçus, nous promettant de faire quelque chose. Mais à ce jour, nous attendons encore», a déclare Amel Mihoub, la responsable de la galerie d'art Le Paon. D'un côté, le ministère de la Culture essaye de revaloriser le centre, mais est-ce de bonne foi ? Prenons pour exemple la nouvelle bibliothèque pour enfants inaugurée le 15 avril dernier. Est-elle ouverte ? Hélas non ! Quel est donc son intérêt ? Solutions L'association arrive aujourd'hui avec un palmarès de solutions très envisageables. Parmi quelques-unes, nous avons les locaux qui peuvent être distribués aux jeunes artistes ou artisans prometteurs qui se lancent. Mais pour cela, il est impératif d'assouplir la procédure d'octroi des locaux ainsi que le cahier des charges. De plus, il faudrait revoir les prix des loyers afin qu'ils soient plus «accessibles». Ils peuvent aussi installer des opérateurs de téléphonie afin de pouvoir ramener plus de public, mais aussi des ressources pour l'OREF. Offrir également des espaces pour une pharmacie et pour une petite épicerie. «Nous ce qu'on fait, c'est lancer un appel à la Présidence afin de trouver des solutions qui puissent aider d'une part les concessionnaires qui sont dans une situation des plus difficiles, d'autre part, tout le centre Riad El Feth. Car il constitue la vitrine de l'Algérie», atteste Amel Mihoub, membre de la Coref. Questionnée à propos de la situation du centre, la directrice de l'OREF, Farida Tahrata, répondu : «Il y a un manque financier important et qu'il faudrait un budget spécial pour pouvoir le rénover.» Concernant les locaux vides, la directrice nous précise : «Ils sont en contentieux avec les locataires. Donc, lorsque nous allons en justice, cela prend au moins trois ans pour obtenir un résultat. Il y a le problème de lenteur de la procédure judiciaire. Cela dit, je viens d'entamer une procédure pour la réouverture des locaux ou pour leur enlever les clés.» Par ailleurs, il a été convenu que cette semaine, l'OREF procédera à des locations par adjudication au Journal officiel, «et se sera au plus offrant». Bien que la procédure n'ait pas changé depuis les années 80, «je vais essayer de faire passer au conseil d'administration le message afin de pouvoir assouplir la procédure d'octroi des locaux», continue-t-elle. Pour ce qui est des concessionnaires au bord de la faillite, il semblerait qu'une décision ait été prise par le Premier ministère. «La banque CPA octroiera des crédits pour le paiement des loyers même s'ils n'ont pas de contentieux», indique Mme Tahrat. Par ailleurs, la directrice de l'OREF a également décidé «de ne pas réclamer les loyers de la durée de la pandémie jusqu'à nouvel ordre. De plus, nous allons commencer à rénover les sanitaires dès ce dimanche». Advertisements