Le pouvoir a décrété la fin du hirak en mobilisant, vendredi dernier, les moyens nécessaires sur le terrain, comme on l'a vu particulièrement dans la capitale transformée en ville assiégée, en «capitale bleue», la couleur distinctive du corps des services de police. Depuis l'avènement du hirak, voilà plus de deux ans, et jusqu'à la décision du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales prise la semaine dernière, exigeant une déclaration de l'administration pour l'organisation de toute manifestation publique, les marches du hirak étaient tacitement tolérées, même si elles n'ont été jamais désirées et réellement «bénies», ainsi que proclamé par le discours officiel. Plutôt que d'interdire purement et simplement ces marches – une décision qui ne pourrait pas être comprise autrement que comme une mise hors la loi en bonne et due forme du mouvement populaire, avec ce que cela pourrait impliquer comme conséquences et réactions aux plans interne et externe –, les pouvoirs publics ont fait le choix de gérer le mouvement par une politique de «containment» et de harcèlement continu afin d'obtenir sa reddition ou, à défaut, son essoufflement. Le climat de répression et la multiplication des arrestations de ces dernières semaines ont notablement impacté le niveau de mobilisation. Les marches de vendredi dernier furent réduites, pour la plupart, à des regroupements symboliques improvisés en dehors des itinéraires habituels, dans des espaces plus cléments, loin des mailles du dispositif des services de sécurité. Quand on analyse l'épopée du hirak depuis son avènement, il serait pour le moins hasardeux, pour ses adversaires, de tirer des conclusions fantasmées sur son avenir, en laissant croire que son pronostic vital est engagé après ce qui s'est passé vendredi dernier. Le mouvement du 22 Février est une «idée», un projet de société immortel, ne cessent de répéter ses animateurs. La question qui demeure posée, en revanche, est de savoir comment le mouvement, qui ne s'est jamais défait de son pacifisme dont il a fait une arme redoutable de légitimation politique de son combat, réagira-t-il après le coup de force de vendredi dernier ? Le mouvement va certainement se donner le temps de la concertation pour analyser et digérer les événements du week-end dernier, assimilés dans les rangs hirakistes à un casus belli, afin de décider des actions à entreprendre. Mais une chose est certaine, il est objectivement difficile d'imaginer qu'après deux années de mobilisation intense et de sacrifices nourris par le rêve du changement démocratique, les hirakistes se résigneront à rentrer chez eux, comme s'il ne s'était rien passé dans le pays, pour s'inscrire dans une posture de capitulation sans conditions et de repentance, comme les y invite le pouvoir. Le risque d'une confrontation avec les manifestants sera difficile à éviter si le scénario de vendredi se répète. Il est en effet admis qu'une visibilité excessive des forces d'intervention des services de sécurité dans la cité, avec des effectifs démesurés par rapport à la menace supposée, n'est jamais bonne conseillère. A fortiori, si elle dure dans le temps. Face à cette situation explosive dans laquelle se trouve plongé le pays, y a-t-il encore une chance pour le dialogue fécond afin d'éviter que les choses ne prennent une tournure incontrôlable ? Advertisements