Chaque année, c'est la même rengaine. Les prix des fruits et légumes, des viandes et des poissons, ainsi que des produits de première nécessité ont cette fâcheuse tendance à prendre la tangente, c'est-à-dire à flamber dans des proportions incontrôlables dès qu'arrive le mois sacré. Même s'ils n'ont pas atteint une courbe affolante comme celle qui avait marqué les débuts de Ramadhan 2004, les tarifs appliqués dans les marchés, notamment depuis quelques jours et durant la première journée du jeûne, ont quand même fait tiquer les consommateurs. Fatalité ou pratique spéculative entrée désormais dans nos mœurs commerciales, cette envolée des prix qui va souvent du simple au double, affectant gravement les bourses des ménages modestes, semble curieusement dépasser les capacités de régulation des pouvoirs publics, lesquels, en guise de réaction, ne trouvent pas mieux que de pointer du doigt - mais sans les nommer - les spéculateurs traditionnels, les accusant d'exploiter cette période sacrée pour s'enrichir illicitement. A défaut de mettre en œuvre des moyens d'intervention pour rendre plus justes les mécanismes de l'offre et de la demande, les organismes étatiques chargés de protéger les citoyens contre les différents types d'arnaque font plutôt dans la résignation. En effet, alors que la consommation devient boulimique durant ce mois et que les citoyens ne cessent de dénoncer cette spéculation fort préjudiciable à leur pouvoir d'achat, qui prend à leurs yeux l'allure d'un vol organisé, l'attitude des autorités devant ce phénomène cyclique reste pour le moins passive. On parle certes d'organisation et de réorganisation des marchés,de mesures coercitives pour essayer de limiter à sa plus simple expression le mouvement spéculatif, et on a recours en même temps aux produits d'importation (les viandes par exemple) pour casser les prix et contrebalancer ceux-ci, mais sans grands résultats. Les pratiques commerciales, qui semblent défier toutes les lois, sont de ce point de vue rarement domestiquées. Pourquoi ailleurs dans le monde tout commerçant est tenu de se conformer aux lois qui régissent le marché et n'a donc pas le droit d'établir sa propre tarification, tandis que chez nous un boucher ou un marchand de fruits et légumes peut, du jour au lendemain, vendre un produit de 25% plus cher. Bien sûr, ces revendeurs qui disent dépendre d'une chaîne livrée à toutes les convoitises, se présentent eux-mêmes comme des victimes d'un système commercial perverti de bout en bout. Il reste qu'eux aussi prélèvent leur part d'un bénéfice qui ne correspond pas toujours à leurs marges réelles. Celui qui paie le prix fort, c'est le consommateur qui n'a pas d'autre choix que celui de débourser s'il veut avoir une table bien garnie pour le Ramadhan.