Le groupe "A3+" exprime sa "profonde" inquiétude face à la détérioration de la situation humanitaire à l'Est de la RDC    Coupe d'Algérie: l'USM Alger et le MC El Bayadh en demi-finale    Sonatrach: Hachichi reçoit le Secrétaire général du Forum des pays exportateurs de gaz    Santé : Saihi préside une réunion pour assurer la continuité des services de santé pendant les jours de l'Aïd El-Fitr    Hidaoui préside à Souk Ahras le lancement du 1er club sur la santé et la lutte contre la toxicomanie et les fléaux sociaux    Foot / Ligue 1 Mobilis : l'Olympique Akbou se sépare de l'entraineur Denis Lavagne    Le Vice-consul général du Maroc à Oran déclaré persona non grata    Remise en service du train de voyageurs sur la ligne Constantine-Alger    Algérie Poste: la carte "Edahabia" deviendra "Edahabia Classic" avec prolongation de sa durée de validité    Une rapporteuse de l'ONU appelle à mettre fin à la répression contre les défenseurs des droits humains sahraouis    Saisie de quantités importantes de drogues et arrestation de 4 ressortissants marocains    La bataille de Djebel Bechar, un acte d'une grande portée historique    Pluies orageuses samedi et dimanche sur des wilayas de l'est du pays    FIFA: Gianni Infantino rend hommage au défunt Djamel Menad    Belmehdi reçoit les lauréats du concours national de récitation du Saint Coran et du concours d'encouragement des jeunes récitants    Les Ensembles algérois de Hammamet 2 et de Kouba lauréats du 5e Festival du chant religieux des jeunes    Un méga-Iftar aux couleurs d'une «qaâda assimia» avec Bingo    Sonatrach et Sonelgaz explorent les opportunités de coopération et d'investissement à Addis-Abeba    «La Présidente de la Tanzanie se félicite des relations excellentes unissant les deux pays»    Arrestation d'un individu qui ciblait des personnes âgées pour voler leurs pensions    Les délégations russes et américaines entament un nouveau cycle de négociations bilatérales en Arabie saoudite    124.000 personnes déplacées    Déstockage de 155 tonnes de pommes de terre pour en réguler le prix sur le marché    Journée de sensibilisation dédiée à l'entrepreneuriat féminin    Une catastrophe à cause de la malnutrition    Un jeune grièvement blessé par arme à feu à Kaïs    Le Cap-Vert est au vert pour le moment    Développement du football : Sadi appelle à s'allier au projet de la FAF    Séminaire sur la professionnalisation du football en avril à Alger    En célébration de la tenue traditionnelle féminine du Grand Est algérien    L'artiste Bilal Boutobba lauréat    Projection du film historique ''Zighoud Youcef''    Hamlaoui reçoit le président de la Fondation "Sinaat Al-Ghad"    Elaboration de la loi criminalisant la colonisation : d'anciens députés nommés au sein de la commission spéciale    « Préservons les valeurs de tolérance et de fraternité »    Lutte contre le terrorisme        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La culture gnawa raconte la culture de notre monde
Rahma Benhamou El Madani. Réalisatrice
Publié dans El Watan le 24 - 12 - 2010

Tagnawittude, le dernier filmdocumentaire musicalde Rahma Benhamou El Madani, évoque la musique Gnawa à travers l'ex-groupe Gnawa Diffusion et le rituel au Maghreb. Invitée du Festival international du film de Dubaï, qui s'est tenu la semaine dernière, la réalisatrice raconte à El Watan Week-end l'extraordinaire aventure de ce film.
La réalisation de Tagnawittude a commencé en 2005. Pourquoi avoir mis tant de temps pour le produire ?
Le film a débuté en 2005 avec repérages, écriture et tournage en même temps. J'ai d'abord tenu à rencontrer Amazigh Kateb pour cerner exactement mon sujet et savoir ce que je pouvais raconter. Pour rappel ce film a pour origine une rencontre avec Thomas Letellier, un collègue caméraman qui m'a confié des images d'archives de Gnawa Diffusion lors de leur Baba El Oued Kingston tour ? en Afrique et au Moyen-Orient. J'ai visionné des heures et des heures les images de cette tournée. Je voulais ensuite rencontrer Amazigh et laisser le feeling opérer. En octobre 2005, Amazigh est en résidence à Roubaix et c'est là que se sont faits la rencontre et les débuts de cette aventure. Lors de cette résidence, Amazigh invite Maâlem Ben Issa d'Alger, et au même moment Maâlem Hmida Boussou de Casablanca est en résidence également. C'est en choisissant de garder ces moments de rencontres – en les filmant déjà alors que je ne suis même pas en écriture, mais en recherche de sujet – que je suis victime d'une sorte de réminiscence : la transe de ma mère.

En quoi ce moment fut important ?
Après avoir filmé cette résidence, je me suis retirée, j'ai écrit, j'ai cherché, j'ai montré ces images à ma mère pour comprendre... et sans lui poser de questions, j'ai compris sa transe et l'univers gnawa dans lequel elle a baigné en vivant en Oranie où nous avions vécu. Ensuite j'ai continué à filmer d'autres moments, car une autre évidence était celle de la scène, aussi vecteur de cette culture gnawa. Le groupe Gnawa Diffusion se séparait au moment où je commençais ce film et donc il était aussi important que je filme leurs derniers concerts et répétitions. Puis je me suis arrêtée pendant près d'un an et demi. J'ai fait autre chose, un film sur les sans-papiers dans mon quartier... et j'ai eu le temps enfin d'écrire Tagnawittude. J'avais accompagné Amazigh Kateb et son groupe pendant un moment assez douloureux et ça me permettait du coup de leur rendre en quelque sorte hommage. Amazigh commença ensuite à travailler sur son album solo et c'est à ce moment-là qu'Aziz Maysour prit le relais et m'ouvrit la voie vers la vraie culture tagnawit. Des allers et retours au Maroc, en Algérie aussi, plus près de l'origine de mon histoire personnelle et de là sans doute, où ma mère a été initiée. En tout, il y a eu des pauses, des temps de tournage intenses avec les séquences de transe où il fallait réellement être très présent et en même temps détaché.

Ce film est un film musical, le thème s'est-il imposé ?
Le film est en effet musical parce que je suis très intéressée par la musique. Ma création est souvent liée à des morceaux musicaux. J'ai été animatrice radio pendant mes années universitaires et je pense que la musique me parle tout autant que les images. Ma formation est avant tout sonore. La culture gnawa se transmet par l'intermédiaire de la musique, elle n'est pas juste un rituel basé sur la transe, mais elle amène vers la transe par l'intermédiaire d'un répertoire de chants assez riche et des sons également très simples et qui nous touchent.
Alors on va dire que le thème est musical parce qu'il ne pouvait pas être autrement.

Tagnawittude rencontre beaucoup de succès. Vous êtes invitée à plusieurs festivals. Mais pourquoi la projection en avant-première au Maroc a-t-elle été annulée ?
La projection à Casablanca devait avoir lieu le 29 novembre et a été annulée par moi-même, la veille au soir, parce que les conditions de projection ne me convenaient pas. Le film a été projeté à Paris grâce à la contribution du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger et à Casablanca. Le jour de la projection, le site a été inondé suite à de fortes précipitations. Le public marocain attend ce film et nous prévoyons une projection à Marrakech accompagnée par l'association Save Cinema in Morocco pour le mois de janvier. Le public marrakchi aura le privilège de voir le film suivi d'un concert du groupe Gnawa Mogo, une formation traditionnelle aux morceaux plus modernes de quelques anciens musiciens de Gnawa Diffusion. Cet événement, que nous avons appelé Tagnawit Session, on espère le proposer en Algérie et ailleurs. Notre première date sera Grenoble, la ville d'origine de ce groupe.

Quel est votre rapport au cinéma algérien ?
C'est une question assez déstabilisante pour moi. J'ai un rapport au cinéma arabe, africain, oriental. J'aime beaucoup certains vieux films algériens, kabyles, j'ai des références un peu partout. J'aime les paysages algériens, la culture parce qu'elle est mienne. Le cinéma est un moyen pour moi de raconter des histoires, la nôtre qu'elle soit en France, au Maghreb ou même en puisant dans une autre société comme par exemple chinoise qui est le sujet de mon dernier scénario. J'aime les gens qui œuvrent pour le transmettre et éduquer les jeunes à travers le cinéma. Je pense à certains amis du cinéma algérien qui font ça à Béjaïa avec les ateliers de formation avec leur association Kaina Cinéma. Il faut les encourager et les soutenir pour l'Algérie ait de nouveaux regards.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez dû faire face lors de la réalisation de votre documentaire ?
Faire un film est toujours périlleux pour toutes sortes de raisons. Tagnawittude a rencontré plusieurs difficultés qui ont été dépassées en faisant des pauses à chaque fois qu'il y avait un obstacle, et en changeant d'axe. Je pense que cela a rendu le film encore plus fort. Evidemment, un tournage plus simple, plus court m'aurait fait du bien, mais j'ai dû faire face à l'histoire de la fin du groupe, à la personnalité aussi des musiciens, de mon rapport avec mon identité plurielle. Je voulais vraiment raconter cette culture commune et non tourner soit uniquement au Maroc ou en Algérie ou en France. Il a fallu faire beaucoup de déplacements, aller jusqu'à Timimoun également pour donner un ton réellement africain. Il fallait des moyens, que je n'avais pas, attendre les rares subventions du CNC et de la francophonie, faire des emprunts personnels et compter sur l'aide de mes proches sans qui ce film n'aurait pas pu se faire. Il ne faut pas oublier non plus que je suis une femme, que la musique gnawa est pratiquée essentiellement par les hommesque ce soit sur scène que lors des rituels…

Quels instants forts du tournage garderez-vous en tête ?
Le désert m'a marqué. Voir ces hommes par centaines, et ces femmes (que je n'ai pas pu filmer) jouer des karkabs près d'un ksar m'a apporté un bonheur merveilleux. Ensuite, les moments forts ont été aussi parfois les plus douloureux : ma rencontre avec Maâlem Ben Issa, décédé trop jeune et dont le talent m'a sauté aux yeux lors de la résidence d'Amazigh à Roubaix.

Ce film documentaire retrace l'histoire du groupe gnawa, mais aussi de la tradition de cette musique au Maghreb. Quelle place tient cette musique dans la région ?
Quand j'ai filmé Gnawa Diffusion à la fin de leur aventure, je ne savais pas que la musique gnawa était en train de devenir un phénomène de mode pour la jeunesse maghrébine. J'ai assisté à des concerts à Alger, mais aussi à Essaouira et j'ai constaté à quel point cette musique leur parlait. D'autres groupes créent des sons très intéressants en puisant dans la musique gnawa, en la mariant à des sons blues par exemple. La musique gnawa a su rester vivante en faisant avec son temps et son histoire. Je pense que les gnawa, dont c'est la culture ancestrale, ont besoin de transmettre, mais également de répertorier leur patrimoine par l'écrit, de laisser des traces à leurs descendants par l'intermédiaire de l'écrit. Certains ont peur de voir disparaître tout un répertoire rare en bambara, par exemple, et il faut en laisser à tout prix une trace écrite, parce que les jeunes générations ne les connaissent pas. J'ai ressenti une émotion qui dépasse un intérêt purement régional, il me semble que cette culture raconte la culture de notre monde et qu'elle doit être en effet considérée comme un patrimoine mondial dépassant le cadre d'un régionalisme ou d'un pays. J'ai constaté aussi que de nombreux Occidentaux s'y retrouvent, et les gnawa ne font pas de différence liée à l'origine. Cette culture appartient à tous et c'est ça qui fait sa force.

Des projets en cours…
Je voudrais consacrer l'année qui vient à accompagner ce film dans le cadre de l'événement Tagnawit Session : un ciné-concert pour lequel nous cherchons des partenaires. Ensuite j'ai écrit un scénario de long métrage, une fiction, La Chutede Chunlan, et je vais continuer à améliorer le travail d'écriture tout en cherchant le moyen de le réaliser à partir de 2012. Enfin, un sujet de documentaire fiction est en production, Oranie, un hommage à ma région natale autour de la musique de Pierre Bensusan, un guitariste juif-algérien natif d'Oran. Ce projet est en écriture depuis 2005. J'espère commencer les repérages cette année.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.