Le bédéiste continue son travail sur les mémoires algériennes. Après s'être attaqué à Camus avec L'Hôte, l'auteur de l'excellente série Carnets d'Orient devient complice avec Fellag dans Le Mécanicien du vendredi. Si le graphisme a changé, la touche «Ferrandez» est toujours là. -Vous venez de publier un livre avec Fellag qui raconte l'Algérie des années 1980. Comment s'est passée votre collaboration ? Nous nous connaissons depuis un certain temps, mais c'est surtout au moment où je lui ai demandé de préfacer la Dernière Demeure, il y a 4 ans, que nous sommes devenus amis avec l'idée un jour de travailler ensemble. Il m'a proposé ce texte à illustrer. Nous avons beaucoup échangé ; son texte est très drôle... Cela m'a permis de varier un peu mon graphisme... -Vous avez publié L'Hôte d'après la nouvelle L'exil et le royaume d'Albert Camus. Pourquoi cette nouvelle et comment vous êtes-vous emparé de cette œuvre ? C'est une nouvelle que j'avais lue il y a une vingtaine d'années et j'ai eu tout de suite envie de l'adapter. C'est à mon sens un concentré de Camus, car il aborde dans ce texte tous les thèmes qui lui sont chers dans l'ensemble de son œuvre ; la responsabilité, le choix, la morale, la justice.L'Algérie et l'Algérien y sont très présents. C'est une Algérie des Hauts-Plateaux, loin de la mer et du soleil de Tipasa. Un pays rude, avec la misère et la neige. On y sent le début de l'insurrection. Daru, le personnage de l'instituteur est le double de Camus. Albert Camus était déchiré par le conflit qui se déroulait dans son pays et sa position a été rejetée par les deux camps. Cette nouvelle le montre bien : tout choix vous condamne. -Y aura-t-il un jour une suite à la série Carnets d'Orient ? Pour l'instant, rien n'est prévu, mais je ne m'interdis rien... -L'Algérie occupe une grande place dans votre œuvre, vous y êtes né. Quels sont vos rapports avec elle ? Je n'ai pas de nostalgie pour le passé ; je suis né à Alger en 1955, mais je n'y ai pas vécu, mes parents ayant fait le choix de quitter le pays juste après ma naissance. J'ai travaillé autant sur la mémoire familiale que sur les récits des historiens et les témoignages en essayant de dire les choses sans esprit partisan. Pour essayer de comprendre. J'y retourne maintenant régulièrement. J'ai des amis là-bas. Je pense que la mémoire sera peu à peu remplacée par l'Histoire, une histoire apaisée.