Alors que les Occidentaux, à leur tête les Etats-Unis, montent sur leurs grands chevaux, Moscou et Pékin tentent de calmer le jeu. Les responsables iraniens ne semblent pas prendre au sérieux les menaces de sanctions, voire de frappes, brandies par les Occidentaux et Israël. Le ministre des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a déclaré hier, depuis Erevan où il effectuait une visite, que son pays rejetait «par avance» toute accusation sur un programme nucléaire militaire de son pays avant la publication (aujourd'hui) d'un rapport de l'AIEA. Pour le chef de la diplomatie iranien, les Occidentaux n'ont toujours «aucune preuve sérieuse que l'Iran est en train de fabriquer une ogive nucléaire». «L'Occident et les Etats-Unis exercent une pression sur l'Iran sans argument sérieux ni preuve», a ajouté M. Salehi, s'exprimant à l'issue d'une rencontre avec son homologue arménien, Edouard Nalbandian. «Nous n'avons cessé de répéter que nous n'allons pas fabriquer d'armes nucléaires. Notre position a toujours été de ne pas utiliser notre programme nucléaire à des fins autres que pacifiques», a encore dit M. Salehi. Conclusion du chef de la diplomatie iranienne : «Si l'AIEA présente un rapport qui n'est pas objectif, elle perdra de sa crédibilité.» Et tout porte à croire que ce sera le cas. Un rapport à la «teinte» occidentale Des sources diplomatiques occidentales assuraient, hier, que le nouveau rapport de l'AIEA «fait écho aux soupçons sur les ambitions militaires du programme nucléaire iranien». Les mêmes sources glissent que le rapport l'AIEA doit critiquer de nouveau «l'absence de coopération» de l'Iran et «le non-respect de ses obligations» en tant que pays membre, en particulier la poursuite de l'enrichissement d'uranium qui pourrait, à terme, lui permettre d'accéder à l'arme atomique. Mais le président iranien, M. Ahmadinejad, a déjà préparé la riposte en s'en prenant violemment à Washington : «Les Etats-Unis, qui possèdent 5000 bombes atomiques, nous accusent avec impudence de fabriquer l'arme atomique, mais ils doivent savoir que si nous voulons couper la main qu'ils ont étendue sur le monde, nous n'aurons pas besoin de la bombe atomique», a-t-il asséné, relayé par le site de la télévision d'Etat iranienne. En Israël, on est plutôt sur le pied de guerre contre l'Iran. Le président Shimon Peres a averti, dimanche, que la possibilité d'une attaque militaire contre l'Iran était «plus proche qu'une option diplomatique». Le chef de la diplomatie, Avigdor Lieberman, a quant à lui appelé la communauté internationale à imposer à l'Iran des sanctions «très sévères et paralysantes», selon des propos rapportés hier par le journal Maariv. Une littérature guerrière qui ne trouve pas grâce aux yeux du président russe, Dmitri Medvedev, qui dénonce «une rhétorique dangereuse». Le bouclier sino-russe «Il faut que les parties prenantes reviennent au calme et il faut éviter les menaces et ce type de commentaires belliqueux», a-t-il déclaré. «Tout cela pourrait conduire à un conflit très important et ce serait une catastrophe pour le Moyen-Orient», a déclaré Medevedev depuis Berlin. Le maître du Kremlin a affirmé que les Iraniens ont dit à la Russie qu'ils «étaient prêts à coopérer, mais il n'y a malheureusement pas eu de pas dans ce sens». Téhéran pourrait tout de même compter sur le soutien de Moscou. Le numéro deux du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, Ali Bagheri, devait se rendre hier à Moscou pour discuter du programme nucléaire iranien avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. L'Iran pourra également compter sur le soutien de la Chine. Pékin n'a pas hésité, hier, à demander à l'AIEA de faire preuve de «justesse» et d'«objectivité» dans le rapport qu'elle s'apprête à publier aujourd'hui. Une façon de prendre ses distances sur la teneur de ce fameux rapport. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hong Lei, a par ailleurs demandé à la partie iranienne de coopérer «sérieusement» avec l'agence dans la publication de son nouveau rapport. «Téhéran doit faire preuve de souplesse et de sincérité et s'impliquer dans une coopération sérieuse avec l'agence», a dit Hong Lei. C'est dire que Téhéran est rassuré de pouvoir se draper derrière le bouclier sino-russe pour contrer les attaques occidentales menées par les Etats-Unis. Jusqu'à quand encore ?