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Hichem Mesbah. Acteur : «Il n'y a pas de théâtre ou de cinéma à l'algérienne, il y a des règles à suivre !»
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Publié dans El Watan le 04 - 01 - 2012

Hichem Mesbah a interprété un rôle de migrant dans la fiction Andalousie, mon amour du cinéaste marocain, Mohamed Nadif. Cette comédie a été consacrée par le jury du cinquième Festival d'Oran du film arabe (FOFA), qui s'est déroulé en décembre dernier, par le prix du meilleur premier travail prometteur. La présence du comédien algérien dans un film marocain pourrait relancer des habitudes cinématographiques perdues dans la région du Maghreb.
-Comment a eu lieu la rencontre avec le jeune réalisateur marocain Mohamed Nadif pour participer à son premier long métrage, Andalousie, mon amour ?
Notre rencontre a eu lieu lors de la première édition du Festival du court métrages de Taghit. J'étais présent grâce au court de métrage de Khaled Benaïssa, Sektou (Ils se sont tus). Mohamed Nadif a participé avec son film, La jeune femme et l'instit. Le scénario de Andalousie, mon amour était déjà écrit. Il m'a vu dans Sektou. En soirée, lors des discussions, il m'a parlé du caractère algérien du personnage de Hicham dans le film de Benaïssa et m'a avoué : «Je ne te cache pas que j'ai envie de t'introduire dans ma fiction, je veux un personnage algérien.» Je lui ai répondu que je ne trouvais aucun inconvénient à participer au film. Du coup, il a créé le personnage et m'a proposé le rôle. Une année après, il m'a appelé pour me dire que le tournage allait commencer à Oued Laou, dans la région de Tétouan.
-Et comment s'est passé le tournage avec le cinéaste ?
Le plus normalement possible, pas de clivages. Il y avait une fable, une histoire, qu'il fallait défendre. Je me suis bien concentré sur mon personnage. J'ai défendu une mémoire, celle des harraga, certains meurent en mer, d'autres réussissent à gagner l'autre rive. Je me suis dit, je vais être le plus fidèle possible à ces jeunes-là. Il n'y avait aucun problème sur le plan technique et artistique. Mohamed Nadif est issu de l'Ecole supérieure des arts dramatiques, moi également. Nous avons le même langage artistique. On se briefait le soir. Il y a un coaching, chose que nous n'avons pas encore en Algérie.
Les producteurs ne mettent pas encore de l'argent sur un coach scénique. Nadif ne s'occupait que de la réalisation technique. Nous avions un coach qui nous faisait apprendre le texte, qui nous donnait des indications des mises en scène, etc. Cela se voit dans le film. Tous les personnages sont complémentaires. On répétait comme au théâtre. On arrivait sur les lieux et on commençait le tournage. Cela manque chez nous. C'est la raison pour laquelle nous déplorons le niveau des comédiens algériens. Ils n'y sont pour rien, il faut les coacher et les encadrer.
-Faut-il mettre en place une école de cinéma en Algérie ?
C'est primordial ! Dans tous les secteurs de l'art, la formation est nécessaire. Il faut l'académisme. On doit rompre avec cette habitude de ramener un artiste directement de la rue au prétexte qu'il a un don. Cela n'existe nulle part. Il est évident que le don et les prédispositions existent, mais ce n'est pas suffisant. Il faut une culture générale et une formation d'au moins cinq ans pour pouvoir jouer dans une pièce de théâtre ou dans un film. Il n'y pas de théâtre, de cinéma ou de football à l'algérienne, il y a des règles à suivre. C'est un langage universel. Nous avons eu des comédiens talentueux, mais qu'on ne voit jamais ailleurs. Ils sont restés locaux.
Posez-vous la question et vous trouverez les réponses. Il a fallu faire des recyclages et des formations pour s'exporter. Il n'y a aucune gêne à améliorer ses performances. C'est ce que je conseille aux jeunes. J'ai vu Mohamed Bouchaïb (dans le court métrage de Yahia Mouzahem, Dar Al Aâdjaza (La maison des vieillards). C'est un jeune doué mais qu'on commence à perdre car il faut rapidement le prendre en charge, lui assurer une formation pour qu'il se développe mieux.
-Vous êtes prêt à participer à d'autres films marocains ou tunisiens ?
J'ai déjà participé à un court métrage tunisien, Aïd El Kebir de Karin Albou (sorti en 1998). J'ai également pris part à des pièces avec le théâtre national tunisien sur des textes de Kateb Yacine (Le cadavre encerclé). Il a suffi que je fasse une audition. Je n'ai pas de limite ou de nationalité dans l'art. Wallah maândi ! Je participe à des castings, si je suis accepté dans un film américain, je dis oui…
-Quel regard portez-vous sur le septième art algérien. Est-il en évolution ? En régression ?
Depuis cinq ans, il y a une vague de cinéastes qui arrivent. Lyes Salem (réalisateur de Mascarades, ndlr) a déclaré à l'étranger, «Algeria is back» (l'Algérie est de retour), je le crois. Nous avons une nouvelle génération de réalisateurs et de scénaristes. Il n'y a qu'à citer Khaled Benaïssa, Yanis Koussim, Yasmine Chouikh, Abdelnour Zahzah, Lyès Salem…Ce n'est pas le renouveau, c'est la continuité. Tant mieux. Cela fait cinq ans, le cinéma algérien récolte des prix au niveau des festivals à l'étranger (Fespaco, Abu Dhabi, Doha, etc). Cela fait vingt ans que nous n'avons pas eu cela. C'est un élément révélateur. Vous avez vu comment les sujets sont traités avec des tabous qui sautent ? Laissez- nous travailler, c'est bon : «Jebdou rouahkoum !» (Retirez vous !)
-Qui doit se retirer ?
Ceux qui décident de la ligne cinématographique. Il ne faut plus faire de films sur mesure. Aidez les jeunes, donnez leur les moyens pour réaliser leurs rêves et leurs films en traitant de tous les sujets. Je reviens du Festival international du film de Marrakech. Au Maroc, l'aide à la première création est chiffrée en millions de dollars et de dirhams. Les réalisateurs n'ont que 20 ou 25 ans. Oui, on peut avoir 20 ans et réaliser un film. Le court métrage, Demain, Alger de Amine Sidi Boumediène (projeté à Oran) est beau. C'est de la bombe ! Il y a de la poésie dans l'image. Amine sera un grand réalisateur. Il faut
l'aider ! Nous avons envie d'avoir un grand prix au Fespaco (Ouagadougou) ou à Marrakech.
-Trouvez-vous normal que les salles de cinéma, ici à Oran, ferment après le festival ? Dans d'autres villes, les salles de cinéma ont été transformées ou laissées à l'abandon...
Il faut une décision politique, une décision du ministère de la Culture pour récupérer les salles de cinéma. Il faut que toutes les salles ouvrent leurs portes avec des séances à 21 heures. Les gens peuvent aller voir un film en familles ou en groupe après le dîner. C'est agréable. Si cela ne tenait qu'à moi, les salles de cinéma seraient ouvertes 24 sur 24, avec des sorties de films algériens en avant- première. Il faut réconcilier le public avec le cinéma. Au festival d'Oran, les familles sont venues nombreuses voir des films et assister aux débats. Il est important de donner des salles à ces familles et au public.


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