Théoriquement, plus rien ne s'oppose à l'application du plan Annan. Les rebelles, qui s'étaient montrés jusque-là extrêmement réservés quant au succès de la solution à la crise sponsorisée par l'ONU et la Ligue arabe, se sont finalement montrés disposés à faire taire leurs armes. Mais cette acceptation est assortie d'une condition. Le commandement de l'Armée syrienne libre (ASL) a, à ce propos, averti hier qu'il ne respectera le cessez le feu qui doit prendre effet jeudi que si le régime de Bachar Al Assad en fasse de même. «Nous annonçons la cessation de nos opérations contre l'armée du régime à partir du matin du 10 avril (aujourd'hui, ndlr) et nous respecterons cette promesse si le régime s'engage à respecter les clauses du plan» de l'ONU, a déclaré le colonel Kassem Saâdeddine, porte-parole de l'ASL en Syrie, dans un communiqué. Les clauses dont parle le colonel Saâdeddine obligent le commandement et le gouvernement syriens à retirer l'armée des villes dès aujourd'hui. Au plan du principe, le desideratum de l'opposition n'est pas insurmontable. Seulement entre la théorie et la pratique, il y a un fossé qui paraissait, hier, difficile à combler. Le premier écueil à la mise en œuvre de la feuille de route onusienne tient au fait qu'aucune modalité n'a été préalablement retenue pour amener les parties en conflit à arrêter les hostilités. Et ce vide laisse visiblement suffisamment de champ au régime de Damas et à l'opposition syrienne armée pour continuer à «jouer» au chat et à la souris autant sur le terrain des combats que sur le plan procédural. Surenchère et nouvelles exigences Face à ce qui paraît donc être une crise de confiance, tout le monde tergiverse et surenchérit. A commencer par le régime de Damas qui fait face depuis mars 2011 à une impressionnante révolte populaire qui s'est militarisée au fil du temps. Bachar Al Assad a conditionné, au début de la semaine, l'arrêt des opérations de son armée par de nouvelles exigences. Bien qu'acculées par leur allié chinois – qui les a d'ailleurs une nouvelle fois exhortés hier de respecter leur engagement en faveur d'un cessez-le-feu –, les autorités syriennes ont, en effet, prévenu qu'elles ne retireraient pas leurs troupes des villes à moins de «garanties écrites» de l'opposition et de plusieurs pays qui la soutiennent. L'allusion est ici surtout faite à l'Arabie Saoudite et au Qatar qui sont accusés par Damas de déstabilisation. Ce à quoi le chef de l'ASL, le colonel Riad Al Assaad, a rétorqué que «c'est à la communauté internationale que nous (l'ASL) présentons nos assurances et garanties et non pas à ce régime».La sortie du gouvernement syrien était assez inattendue dans la mesure où l'ONU avait annoncé le 2 avril qu'il avait accepté le plan en six points de Kofi Annan qui l'oblige à retirer ses chars au plus tard mardi matin, en préalable à un cessez-le-feu général prévu dans les 48 heures suivantes. Selon les militants, les exigences de garanties écrites formulées par le régime ne sont qu'une nouvelle manœuvre dilatoire. «Le régime pensait que (d'ici le 10 avril), il reprendrait le contrôle des villes (rebelles). Comme ce n'est pas le cas, il essaie de gagner du temps», a indiqué à la presse Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). «Si le plan Annan ne marche pas, rien ne va marcher, et la Syrie va plonger dans une longue guerre civile», a-t-il prévenu. Bref, et à moins d'un accord de dernière minute, le cessez-le-feu paraît compromis au regard de cette nouvelle escalade verbale. En attendant qu'un «nouvel» accord soit trouvé, les combats continuent à faire rage. Les forces syriennes ont lancé hier des offensives dans plusieurs régions du pays. Les combats entre soldats et déserteurs ont fait plus de 180 morts ces dernières 48 heures, selon l'OSDH. Attendu aujourd'hui dans le sud de la Turquie pour visiter les camps de réfugiés où plus de 25 000 Syriens ont trouvé refuge, Kofi Annan s'est dit dimanche «choqué» par les violences de ces derniers jours. Dans un rapport publié hier, l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a accusé les forces et les milices du régime d'avoir mené au moins une centaine d'exécutions sommaires ces dernières semaines dans les seules provinces de Homs et d'Idleb.