Il ne faut pas prendre en otage les élèves », avait lancé Boubekeur Benbouzid, ministre de l'Education nationale à l'adresse des syndicalistes grévistes qui ont paralysé, il y a de cela quelques mois, la majorité des établissements d'enseignement public. Si cette phrase du premier responsable de l'éducation nationale avait pour unique but de stopper net un mouvement syndical pour le moins légitime, il n'en demeure pas moins que cela contredit les directives du chef de l'Etat. On se souvient que le ministre de l'Education nationale avait assuré que les écoles privées n'allaient pas être fermées. Mais voilà qu'il revient sur sa déclaration en pleine période d'examens (brevet et bac) et fait appel à la force publique pour obliger des enfants d'à peine 6, 8 et 10 ans à quitter les bancs de l'école. Cette méthode est assimilée par des parents d'élève à du « viol collectif sur nos enfants » si ce n'est « une atteinte flagrante à l'autorité parentale ». « Nos enfants vont détester, avec un choc psychologique et pédagogique irrémédiable, et les livres scolaires et les écoles pendant très longtemps », atteste un groupe de parents d'élève, rencontré à dans une école privée. Pourtant la loi est claire. L'article 25 section 2 de la loi sur les écoles privées, dont l'intitulé est « des élèves et leur droit » du décret exécutif du 8 novembre 2005, stipule clairement que toute fermeture de l'école par le fondateur « doit être portée à la connaissance des élèves et de leurs parents trois mois au moins avant la fin de l'année ». En cas de force majeure, et au cas où l'activité de cet établissement doit être interrompue en cours d'année scolaire, est-il encore écrit, « le fondateur doit en aviser immédiatement la direction de l'éducation de la wilaya qui assure le fonctionnement jusqu'à la fin de l'année scolaire ». Ce décret montre le souci des pouvoirs publics de ne pas perturber la scolarité des élèves. Les pouvoirs publics ont-ils pris en charge l'école en attendant que leurs propriétaires régularisent leur situation ? « Mes parents qui sont analphabètes, enchaîne une parente d'élève, sont scandalisés par cette décision. » « Benbouzid doit respecter nos enfants et les mettre à l'abri des conflits liés à l'agrément, au cahier des charges ou à celui de l'enseignement de la langue officielle. Ces problèmes administratifs peuvent trouver une solution avec le dialogue et la concertation et non pas en recourant à la force publique et aux menaces », affirme-t-elle tout en précisant que les parents d'élèves ainsi que les gérants des écoles privées « ne sont pas contre les lois de la République ». Lui emboîtant le pas, une autre parente précisera que les élèves inscrits dans les écoles privées n'ont rien à voir avec ce qui se passe actuellement. « Nous demandons à ce qu'ils soient gardés dans leurs établissements respectifs jusqu'au mois de juin. Nos enfants n'ont pas à changer d'établissement à trois mois de la fin de l'année scolaire », affirme notre interlocuteur avant de préciser que l'école privée a largement prouvé ses performances. « Je demande à notre Etat de nous laisser choisir l'éducation de nos enfants. Vous croyez que cela me plaît de débourser la moitié de mon salaire pour les études de mes enfants, mais je n'ai pas le choix. Je ne veux pas que mes gosses vendent des cigarettes et des bananes sur les trottoirs ou qu'ils gardent des parkings avec un bâton. Je veux éloigner mes gosses du milieu de la drogue et de la délinquance. » Le père d'un enfant atteint de la trisomie 21 nous a déclaré que son enfant, âgé de 13 ans, dont le secteur public a été récalcitrant à son cas, a pu apprendre à lire et à écrire à l'école privée Tafat au bout de 5 années, avec un suivi rigoureux de la part des orthophonistes, des enseignants et de la direction. Pour sa part, la coordination des associations des parents d'élèves considère cette décision comme une atteinte grave aux droits de l'enfant, connus et reconnus par le dispositif légal en cours dans notre pays et les conventions internationales auxquelles notre gouvernement adhère de plein droit. Cette décision aura « des conséquences très graves sur la formation de nos enfants, aussi bien sur les volets psychologique et pédagogique que sur celui de l'intégration dans un cursus de l'éducation ». Même la disponibilité de l'inspection de l'académie d'Alger à prendre en charge les 507 élèves des différents paliers de l'enseignement touchés par cette décision ne semble pas plaire à la coordination. « La solution de transfert des enfants et leur intégration dans d'autres établissements, comme proposé par le ministère de l'Education, conforte davantage ce sentiment d'exclusion. Le transfert des élèves d'un système pédagogique à un autre, en plein second trimestre, va inévitablement entraîner des conséquences néfastes en matière d'adaptation et d'intégration dans un nouvel environnement, et ce, en pleine période d'évaluation pédagogique trimestrielle », protestent les membres de cette coordination. Cette dernière évoque le préjudice certain, voire irrémédiable pour les élèves de classe d'examens lié surtout à l'inadéquation des contenus et des méthodes des programmes enseignés au niveau des deux systèmes, privé et public, qui les condamnera forcément à l'échec. La coordination des associations des parents d'élève demande au ministre de surseoir à cette décision. Dans un autre chapitre, la mutation de centaines d'élèves suite aux opérations de relogement des sinistrés du tremblement de terre de mai 2003 aura, selon des observateurs, des conséquences psychologiques et pédagogiques nuisibles sur les élèves. Les pouvoirs publics en charge de ces opérations n'ont pas pris en considération la scolarité des élèves. L'Etat n'a pas pris en considération la scolarité des enfants d'autant plus qu'il est déconseillé de changer d'établissement au milieu de l'année scolaire, affirme-t-on.