Va-t-on assister au retour politique des islamistes amnistiés ou réconciliés, c'est selon, à la faveur de la promulgation de l'ordonnance portant sur les textes d'application de la charte pour la paix et la réconciliation ? Pour tranchée qu'elle paraît à certains, cette question n'en revient pas moins au-devant de la scène politique. C'est même la principale curiosité de l'opinion qui, si elle accepte bon gré mal gré la descente presque avec les honneurs des anciens terroristes, s'oppose sans doute à leur recyclage politique. Bien que les dispositions de la charte ferment expressément la porte de l'exercice politique face à ceux qui ont instrumentalisé la religion et causé la tragédie nationale, les déclarations itératives et insistantes de Madani Mezrag reposent un grand point d'interrogation. D'autant plus qu'elles sont régulièrement relayées, voire soutenues par celles de Belkhadem dans une espèce de partage parfait des rôles. Il y en aura certainement ceux qui riront sous cape de plaintes et complaintes de ce tandem. Mais il y aura également ceux, nombreux parmi les Algériens, touchés de près ou de loin par la tragédie qui se tiennent le ventre en s'interrogeant de quoi sera fait demain. Il y a, en effet, un imbroglio juridique qui autorise l'ex-émir de l'AIS à débiter ses « fantasmes » politiques et permet à Belkhadem d'appuyer presque officiellement ce souhait. Pour cause, la grâce amnistiante sur laquelle se base Mezrag pour claironner à tout bout de champ qu'il est politiquement réhabilité et juridiquement blanchi est toujours en vigueur. La charte pour la paix et la réconciliation qui annule de facto les dispositions de la concorde civile ne souffle mot s'agissant de la grâce amnistiante qualifiée en son temps d'objet juridique non identifié. On est, tout compte fait, dans une situation où des responsables de la tragédie nationale sont tout à la fois autorisés et interdits d'exercice politique. Cette ambiguïté a-t-elle été sciemment entretenue par le pouvoir afin de se réserver une large marge de manœuvre ? Y a-t-il véritablement une intention, quelque part, d'envisager à terme une réinsertion politique des résidus du FIS ? Ou s'agit-il simplement d'un laisser-faire tactique des autorités, civiles et militaires, destiné à entretenir l'illusion d'un retour du FIS. Car, il y a au moins une certitude : l'équation de la réhabilitation politique des islamistes ou pas détermine les rapports de force entre les décideurs en haut lieu. Le président de la République lui-même avait avoué que la charte pour la paix et la réconciliation était un accouchement au forceps. Un résultat des équilibres entre les différentes forces du pouvoir. De fait, il y a sûrement des zones rouges à ne pas franchir. Le retour des anciens « Fisistes » en serait la principale.