Outre l'insécurité, les habitants se plaignent de l'insalubrité et du manque de lieux de détente. Quand on parle de Constantine et de ses quartiers résidentiels, où il faisait il n'y a pas si longtemps bon vivre, c'est le quartier de Sidi Mabrouk Supérieur qui nous vient à l'esprit, avec ses cités cossues, constituées uniquement de villas comme celles de Beau-séjour, Lauriers-roses, Benkhebab, celles datant de l'ère coloniale qui servaient de résidence à la communauté juive aisée de la ville et qui porte toujours l'appellation de «Village Lihoud», ses bâtiments et leurs cours intérieures à l'exemple de la cité Laâssifer Abderrezak (ex-Les Apôtres) ou Mentouri (ex-Le Bosquet) et cette complicité entre voisins, que l'on ne saurait retrouver qu'au sein d'une même famille. Tout cela fait désormais partie du passé car le quartier en l'espace de quelques années s'est complètement transformé pour devenir un immense bazar. Des dizaines de magasins réunis dans ce que l'on appelle pompeusement centres commerciaux, ont remplacé des villas cédées au prix fort. Cinq, six, voire sept milliards de centimes ont été mis sur la table pour convaincre les anciens propriétaires, des fonctionnaires pour la plupart, de céder leur bien. Les nouveaux propriétaires des lieux, uniquement intéressés par les lots de terrain, ont aussitôt procédé à la démolition des anciennes habitations pour dresser à leur place d'immenses immeubles de trois ou quatre étages avec une moyenne de dix échoppes par étage, sans aucun respect pour l'environnement ou la réglementation en matière d'urbanisme. Mais la tentation était trop grande et le créneau très porteur. Ces magasins sont loués 50 000 DA par mois en moyenne, ce qui peut rapporter très gros à leurs propriétaires, dit-on. On y trouve de tout. Du prêt-à-porter pour tous les âges, importé de Chine ou de Turquie pour la plupart, des produits cosmétiques souvent contrefaits, de l'électroménager, de l'électronique, des meubles, une dizaine de fast-foods et autant de parkings sauvages. Des agressions au quotidien Mais cette mue qu'a connue le quartier a apporté avec elle son lot de désagréments. Les riverains se plaignent en effet d'une recrudescence inquiétante de l'insécurité. Les agressions sont devenues monnaie courante. Il ne se passe pas un jour sans qu'on signale un vol de portable ou de sac à main ou des agressions à l'arme blanche. «Des délits qui ont tendance, à force de se répéter, à se banaliser devant l'inertie des autorités chargées de veiller à la sécurité des habitants. L'absence d'un commissariat et de rondes policières diurnes ou nocturnes fait que les truands se sentent en terrain conquis. Et même si des habitants s'évertuent à chaque fois de signaler ces méfaits à la police par téléphone ou en déposant plainte, rien n'y change», témoigne-t-on. «Les patrouilles de police on les voit bien passer de temps en temps dans le quartier mais elles ne s'arrêtent jamais, même pas pour verbaliser les propriétaires de véhicules qui ont transformé les trottoirs en showrooms, particulièrement celle menant à la maternité, obligeant les piétons dont bon nombre de lycéens et écoliers, à emprunter la chaussée pour les contourner avec tous les risques que cela suppose pour les tout petits», déplorent des riverains. Ces derniers dénoncent également la saleté qui règne en maîtresse des lieux dans le quartier devant l'absence des agents communaux chargés du balayage, lesquels se contentent de nettoyer les axes principaux mais ne pénètrent que rarement à l'intérieur des cités. Le manque de terrains de jeux ou d'espaces de loisirs pour les jeunes constitue aussi une préoccupation pour les habitants. L'unique terrain de foot du plateau du Mansourah qui servait de défouloir aux jeunes du quartier et ceux des cités limitrophes, notamment celles des Frères Abbès ou Sakiet Sidi Youcef, a été fermé il y a plus d'un mois par la municipalité ; il sera affecté à des associations sportives de la ville. «C'était l'unique endroit où l'on pouvait courir ou jouer au foot pendant les week-ends. Cette fermeture a pénalisé des centaines de jeunes du quartier. Ils auraient pu penser à une solution alternative avant de nous chasser comme des malpropres de ce terrain qui nous appartient depuis 30 ans, quand il n'était qu'un terrain vague. Les espaces existent pourtant à Constantine pour construire des stades et les donner à qui bon leur semble au lieu de nous priver de seul lieu de détente qui existe à proximité de chez nous. C'est tout simplement de la hogra», diront avec dépit des jeunes du quartier.